Un article d'Alice Rixein, édité par Sailesh Gya.
Le confinement a eu de nombreuses conséquences inattendues. L’une d’elles est la modification de la consommation de drogues chez les Français, d’après une étude. L’arrêt de l’activité professionnelle a permis à certains d’arrêter de se droguer, tout en poussant d’autres à augmenter leurs doses.
En 2017, l’OFDT (Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies) a mené une étude sur la consommation de substances psychoactives en France métropolitaine. Le cannabis compterait 18 millions d’expérimentateurs, la cocaïne 2,1 millions et l’extasy avec la MDMA 1,9 million. Mais, la crise du coronavirus et le confinement ont conduit à la modification de ces pratiques de consommation.
Les drogues, acheminées par des passeurs, ne pouvaient plus être livrées à partir du 17 mars, date du début du confinement. Les dealers se sont adaptés pour rentabiliser et faire fructifier leurs stocks en attendant la réouverture des frontières. Paul (nom modifié NDLR), dealer strasbourgeois, est de ceux-là. « Dès l’annonce du confinement, j’ai envoyé un snap à mes clients pour leur dire de faire des réserves », explique-t-il.
« Pigeons »
Le jeune homme vend de la drogue depuis qu’il a 14 ans. Cannabis, cocaïne, extasy et même héroïne : Paul a tout vendu. Lui ne consomme pas. Il livre ses clients à domicile : « Si les toxicomanes connaissent ton adresse c’est foutu, explique-t-il. Ils viennent te réveiller en pleine nuit pour avoir leur dose ». Mais d’après lui, le jeu en vaut la chandelle : « Les meilleurs mois je pouvais me faire 8 000 euros de bénéfices », déclare-t-il. Le dealer n’a pas pitié des consommateurs de cocaïne, qu’il considère comme « des pigeons ». « Quand ils sont en manque c’est très facile de les arnaquer », déclare-t-il sans scrupule. Mais pendant le confinement, Paul ne vendait que du cannabis, sans constater de baisse de la demande. Au contraire, certains clients qu’il avait perdus sont revenus vers lui.
100 euros le 10 gramme
A Colmar, Pierre, lui, a fortement augmenté sa consommation de cannabis. « Avant, je fumais 10 g par mois et pendant le confinement, je suis passé à 10 g par semaine », confie le jeune homme. L’OFDT a observé cette augmentation à grande échelle et la justifie par l’absence de travail ou d’activité. Les consommateurs n’avaient plus à rester sobre la journée et consommaient de la drogue quand ils le souhaitaient. En plus de sa consommation, le prix du cannabis a également augmenté : « Normalement je payais 60 euros pour 10g et pendant le confinement, je payais 100 euros le 10 g », décompte Pierre. En revanche, pour Marie, étudiante à l’Université de Strasbourg, le télétravail l’empêchait de fumer du cannabis : « Déjà quand on a cours à la maison c’est dur, alors défoncée… », ironise-t-elle.
Soirée « chill », redescente difficile
La consommation de drogues « dures » semble avoir drastiquement diminué. Comme l’explique l’OFDT, certaines drogues comme la cocaïne ou l’extasy sont réputées pour être surtout consommées dans les fêtes. Le confinement a empêché les « usagers occasionnels » d’en prendre. Cependant, Marie et sa colocataire Jeanne (noms modifiés NDLR), ont tout de même testé l’extasy pendant le confinement. Et après avoir passé une soirée « chill », la redescente a été plus compliquée que d’habitude : « Quelques jours après, j’étais super fatiguée, j’ai eu la redescente, et elle était plus dure parce qu’on était déjà tous dans une petite dépression », explique la jeune étudiante.
Alice Rixein