Emilie, Josselin et Cécile, tous soignants, ont été mobilisé dès le début de la crise de coronavirus. De services et de régions différentes, ils soutiennent la mobilisation du mardi 16 juin.
Les soignants français accusent le coup. Pour eux, la crise du coronavirus est la goutte de trop. Elle a exacerbé tous les dysfonctionnements des hôpitaux français : manque de personnel, manque de matériel, manque de reconnaissance, ils n’en peuvent plus. Mardi, Josselin, étudiant infirmier à Strasbourg, sera dans la rue. Cécile, jeune diplômée infirmière au Centre Médico-Psychologique de la Réunion, et Emilie, aide-soignante au service de réanimation de l’hôpital d’Avignon, ne pourront pas s’y rendre. Elles travaillent.
« J’ai eu le coronavirus »
Tous les trois ont été au cœur de la pandémie et ont pris des risques pour sauver des vies. « On était tous stressé parce qu’on était dans l’inconnu », se souvient Emilie. A la Réunion, Cécile déplore que le domaine de la santé mentale ait été autant délaissé. « On s’est organisés par nos propres moyens, on était un peu désarmé », explique-t-elle. « Le confinement a fait remonter la solitude des gens, note-t-elle. Un jour une femme m’a appelé pour me dire que son mari l’a lavée avec de l’eau de javel ». Josselin, lui, fait un constat alarmant : « nous n’avions presque aucun masque de type FFP2 ». Ses collègues et lui portaient essentiellement de simples masque chirurgicaux. Ils n’offrent pas une protection suffisante face aux patients gravement atteints par le Covid-19. « On est nombreux dans le service à avoir eu le virus, j’ai eu le coronavirus », confie Josselin.
Question éthique
Le manque de matériel, de place et de personnel ont poussé les médecins à faire des choix déchirants. Le plus dur : « celui de vie ou de mort sur certains patients, dénonce Josselin, révolté. Par manque de place, il a fallu choisir qui avait le plus de chance de survivre et qui aurait le droit aux soins en réanimation. Ce qui va à l’encontre de notre code déontologique disant qu’il ne faut pas faire de discrimination dans les soins. Ce qui va à l’encontre du serment d’Hippocrate chez les médecins et surtout à l’encontre du code de la santé publique, car la loi protège la vie et il est de notre devoir selon la loi, de tout faire pour préserver la vie ». A Avignon, Emilie fait le même constat.
Ras-le-bol
Mais le mal des soignants remonte à loin. En France, leur reconnaissance sociale à considérablement diminué. Dénigrement, insultes, c’est aussi cela qu’ils souhaitent dénoncer lors de la mobilisation de mardi 16 juin. « Je ne compte plus le nombre de patients qui me demandent de les torcher, pour reprendre leur expression, alors qu’ils peuvent le faire, s’exaspère Cécile. Quand je leur explique que pour leur autonomie ils doivent le faire seul il me répondent qu’on me paye pour ça. On n’est pas des machines, je suis infirmière, pas boniche ».
Les soignants reprochent également à l’Etat de ne pas les reconnaitre à leur juste valeur. D’après le syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI), les infirmiers gagnent entre 1 500 et 2 500 euros. Le SMIC en France est de 1 539,42 euros. La prime de 1 500 euros annoncé par le gouvernement provoque un sentiment d’injustice chez certain soignant. Elle est distribuée en fonction du nombre de patient Covid par région. Mais le nombre d’hôpitaux varie selon les régions. Ce n’est pas parce qu’un hôpital fait partie d’une région moins touchée par le Covid qu’il n’a pas eu de nombreux patients.
« Unis par le Covid »
Dans les services, la solidarité était à l’honneur. « On était tous là pour se battre contre la même chose, confie Emilie. On a senti de la solidarité, ça faisait bien longtemps que je n’avais pas ressenti ça ». Plus que jamais, les soignants ont pu compter les uns sur les autres. « On n’a jamais autant rigolé au travail », se souvient Josselin. Les équipes Covid étaient principalement constituées de personnel venant de tous les services. Ce « melting pot » a permis aux soignants de faire des rencontres et de nouer des liens forts. Unies par leur passion et leur altruisme, les équipes se sont soudée pour faire face au virus. « Unis par le Covid », ironise Emilie.
Une journée de mobilisation générale pour les secteurs sanitaires, médico-social et social aura lieu mardi 16 juin 2020 à Strasbourg. Une opération escargot organisée par la CFDT est prévue sur l’autoroute entre le Auchan d’Ilkirch et Colmar à 10h. Le retour se fera à 13h, de la même manière. Le syndicat invite la population à applaudir à 20h et à s’habiller en blanc pour soutenir le mouvement. Il prévient : « si rien n’est fait, à la prochaine épidémie les soldats d’aujourd’hui ne seront plus là ». La CFTC, elle, appelle à la mobilisation au sein des établissements de santé. Une action spéciale aura lieu à la Clinique RHENA à 12h30. Enfin, une marche au départ de la place Kléber est également prévue à 14h.
Alice Rixein