Impossibilité de lire sur les lèvres, émotion faciale coupée en deux et diminution du volume sonore :les masques se dressent comme un obstacle majeur pour les sourds.
Les sourires ont été remplacés par les masques depuis 9 mois. Nos lèvres sont pourtant leurs oreilles. Avec la bouche occultée et 1⁄4 de décibel perdu pendant une conversation, la compréhension au quotidien est devenue un véritable parcours du combattant pour les sourds et les malentendants. La solution ? Proposer aux personnes d’enlever leurs masques le temps de l’échange. Un geste compliqué à demander en ce moment: « À chaque sortie, il faut mimer, expliquer la situation sinon les gens nous défigurent, c’est usant », lance Sheyma, sourde-muette. Quant à Sébastien, malentendant de naissance, il a désormais un « petit mot explicatif » sur son téléphone qu’il montre avant chaque interaction.
La langue des signes moins compréhensible
Cours à la fac, rendez-vous médicaux ou encore formation en entreprise : les interprètes accompagnent les sourds dans leur quotidien pour faciliter leur compréhension dans différentes situations. Le langage des signes fait face à un nouveau défi actuellement. « Par exemple, les mots faciles et gentils s’interprètent de la même façon avec les mains. La seule différence réside le mouvement de la bouche », indique Naema, traductrice chez ARIS. L’expression faciale occultée, le dialogue devient compliqué même avec un interprète.
À cela s’ajoute le monde en distanciel, tout aussi complexe. Les visio-conférences sont devenues un calvaire dans lesquelles les initiales remplacent les têtes et les expressions. 30% des prestations d’interprètes s’effectuent derrière un ordinateur actuellement. En visio-conférence, aucun masque, mais d’autres problèmes apparaissent. L’écran aplatit les gestes. « La 3D est importante dans notre langage. C’est beaucoup plus complexe de discerner correctement mes signes pour un élève dans un cours à distance », précise Naema. Lire sur les lèvres de l’interlocuteur devient également beaucoup plus complexe avec le temps de latence en visio-conférence.
Des masques inclusifs comme solution
L’entreprise « Solution Surdité » dans le Haut-Rhin s’est lancée dans une toute nouvelle production. Deux types de masques inclusifs homologués et lavables ont vu le jour depuis mars 2020. D’un côté, le masque transparent pour faciliter la compréhension des personnes malentendantes, de l’autre, un masque informatif avec brodé dessus « je suis sourd ». Le résultat ? Une explosion des commandes en quelques semaines. « Aujourd’hui, l’entreprise tourne à environ 15 000 fabrications par mois », indique Laure Francesconi, gérante de l’entreprise. La SNCF, Total, General Electric et plus récemment la Poste passent d’importantes commandes à la société pour équiper leurs employés dans tout l’Hexagone. Elle précise que cette réussite reste « insuffisante », pour une véritable efficacité ces masques doivent-être portés par une grande partie de la population pour aider les sourds au quotidien.
Hugo Undreiner