Laura Fairon, 26 ans, se sent prisonnière dans un corps d’homme. Depuis maintenant 4 ans, ses vêtements masculins ont délaissé son dressing pour accueillir les robes et les talons. Du malaise avec son genre jusqu’à ses récentes opérations, rencontre avec cette Alsacienne en pleine phase de transition identitaire.
« Ma vie était morose, je me cherchais constamment », lance Laura. Mais avec ses longs cheveux, son maquillage et sa jupe, la jeune alsacienne donne l’impression d’être femme depuis toujours. C’est le résultat d’une longue transition pour combattre la dysphorie de genre, un décalage entre l’identité qu’elle ressent profondément et son sexe de naissance. Ce mal-être intérieur remonte à l’école primaire, sans qu’elle puisse véritablement mettre le doigt dessus. Le déclic ? Une soirée étudiante, déguisée en Cat Woman pour Carnaval : « En étant femme, pour la première fois de ma vie, j’étais bien dans ma peau », indique l’alsacienne. Laura franchit véritablement le pas il y a 4 ans. Si la chirurgie, prises d’hormones et rendez-vous chez le psychologue rythme désormais son quotidien, le soulagement de quitter son corps d’homme atténue la douleur de ses opérations.
Une acceptation différente en fonction des générations
En 2017, après avoir déménagée en Belgique pour ses études, Laura profite du nouvel environnement pour lancer réellement sa transition. La première étape : assumer son choix et accepter le regard des autres. Pour ses amis d’abord, la nouvelle est accueillie plutôt positivement. Dans sa famille, c’est différent : « La pilule était dure à avaler. Je leurs ai annoncé subitement du jour au lendemain sans prévenir, c’était logiquement un choc pour eux », précise la jeune femme. Une situation qui résume un décalage générationnel d’après elle : « Ces dernières années, il y a une énorme évolution des jeunes qui sont beaucoup plus ouverts par rapport aux anciens encore réticents et hétéro-normés, figés dans l’idée du genre et du sexe ».
« Ne pas lier orientation sexuelle et identité sexuelle »
Pour se lancer, Laura se rend dans une association d’aide aux transgenres. Rendez-vous ensuite obligatoire chez le psychologue pour attester la stabilité mentale et la volonté de changement chez la personne. Après plusieurs séances, direction l’endocrinologue pour démarrer la prise d’hormones. Objectif : supprimer la testostérone en la remplaçant par les œstrogènes et progestérones, les hormones féminines. Des capsules à avaler et du gel à masser quotidiennement sur l’ensemble de son corps jusqu’à la fin de sa vie. Une transition qui s’apparente à une « seconde puberté » pour Laura. Si les changements sont visibles en seulement 2-3 mois, cela ne bouscule que l’apparence extérieure. Son identité intérieure reste intacte. L’orientation sexuelle n’a d’ailleurs pas influencé sa décision : « Je suis attirée par les femmes depuis toujours et ça n’a pas changé, je suis juste passée d’hétérosexuelle à homosexuelle ».
Atteindre le « point de confort »
Le but de sa transition ? Atteindre un point de confort. C’est-à-dire le véritable sentiment d’acceptation. « Certains transgenres se sentent bien au bout d’aucune opération ni traitement, d’autres au bout de 5-6 opérations », précise Laura, qui a décidé d’en faire deux. La première, une chirurgie pour ajouter des seins réalisée la semaine dernière et une seconde en juin pour transformer son organe génital en sexe féminin. Si Laura avoue « souffrir le martyr » actuellement avec l’implant mammaire, elle précise avec un large sourire ne « rien regretter ». Au total, sa transformation est remboursée à 100%. Son changement est reconnu comme une maladie d’affectation longue durée permettant de voir ses frais médicaux pris en charge. Un précieux sésame parfois compliqué à obtenir, le dossier doit être validé au préalable par un endocrinologue, un psychologue et un chirurgien.
« Des gens me posent des questions bizarres dans la rue »
« Gris », voilà comment la jeune femme décrit l’ouverture d’esprit de la société actuelle. « Depuis le début, l’étape la plus compliquée c’était de s’accepter et de se dire qu’on ne colle pas aux normes du monde actuel », indique Laura. Il suffit qu’elle sorte de sa maison pour s’en rendre compte : « À quelques reprises, des gens m’ont posée des questions bizarres dans la rue ». Une réticence qui s’étend jusqu’au monde professionnel. À son retour en Alsace, son choix lui a valu une discrimination d’embauche. Surveillante dans une école, son style et sa transidendité ne lui ont pas permis de prolonger le contrat.
Le deadname
Pour tourner totalement la page, il faut refaire l’ensemble de ses papiers, de la carte vitale jusqu’au permis de conduire. Le prénom doit être changé avec une demande à la mairie. Quant à l’état civil, c’est un dossier plus complexe soumis à l’avis de juges et de magistrats, une petite bataille administrative pour effacer le « dead-name ». Comme l’expression l’indique, il s’agit de son ancienne identité masculine. Des démarches qu’elle a entamé très tôt dans sa transition : « Je voulais effacer définitivement mon ancien prénom. Si je le revois, c’est comme quand certains retombent sur des photos d’eux-mêmes plus jeunes et qu’ils ont honte », détaille Laura
Tourner la page
Maintenant, carte d’identité en main, elle montre fièrement son nouveau prénom : « Les nouvelles personnes que je vais rencontrer me connaîtront sous Laura, mon moi du passé n’a plus aucune raison d’exister et d’être connu par les autres ». Bien installée dans un petit village alsacien, elle veut désormais entamer un nouveau chapitre. La jeune femme ne compte pas poursuivre ses études après des années en fac et en école d’ingénieur ratées, en partie à cause de son mal-être. Aujourd’hui, place à son rêve : créer une micro-brasserie. Laura souhaite prendre des formations dans le domaine de la bière et ouvrir son propre bar, de quoi tirer définitivement un trait sur son ancienne vie.