L’opinion politique s’est invitée sur les terrains de sport ces dernières semaines avec comme chef de file le mouvement « Black Lives Matter ». Sanctionné en temps normal, ce nouveau phénomène a trouvé sa place de titulaire, poussé par les sportifs eux-mêmes.
Un parquet, un panier de basket : voilà à quoi devrait ressembler la prochaine tribune politique. La reprise de la NBA, prévue le 30 juillet prochain, va donner un nouveau coup de projecteur sur le mouvement « Black Lives Matter ». Ce slogan, apparu après la mort de George Floyd aux États-Unis, va côtoyer les plus grandes stars du basket-ball américain. À l’initiative des joueurs, la NBA (la ligue professionnelle de basket-ball aux États-Unis) a décidé de laisser le choix aux sportifs d’écrire un message au dos de leurs maillots pour remplacer leur nom, parmi une liste établie par la ligue. Dès la reprise des matchs, nous pourrons alors voir des joueurs avec des messages tels que « I can’t Breathe » (je ne peux pas respirer), « Justice » et bien évidemment « Black Lives Matter » au-dessus de leurs numéros.
Mais la NBA n’est pas un cas isolé dans le monde du sport. Avant elle, le championnat de foot anglais, qui a repris au mois de juin a également témoigné son soutien au mouvement. Lors des 12 premiers matches, tous les joueurs avaient leur nom remplacé par « Black Lives Matter ». De plus, au moment du coup d’envoi, tous les joueurs ainsi que l’arbitre, et toutes les personnes présentes dans le stade posaient un genou à terre pendant quelques secondes. L’initiative s’est arrêtée depuis. On peut cependant voir encore un patch noir « Black Lives Matter » à l’épaule des joueurs.
Autre instance internationale sportive à avoir soutenu le mouvement, la F.I.A. (Fédération internationale automobile), à l’occasion du premier Grand prix de Formule 1 de la saison : avant la course, les pilotes se sont rassemblés sur la grille de départ en arborant un t-shirt « Black Lives Matter ».
Des initiatives personnelles
Au-delà de ce qui est permis par les ligues, certains sportifs y sont allés de leur initiative personnelle. Dans le championnat anglais de football, le footballeur français Paul Pogba avec une coupe de cheveux représentant un poing levé. Autre exemple, le défenseur néerlandais Virgil Van Dijk qui joue pour le club de Liverpool. Il a porté des crampons noirs marqués du slogan « Black Lives Matter » lors d’une rencontre.
En Formule 1, le pilote Lewis Hamilton, sextuple champion du monde, a demandé à Mercedes de repeindre les monoplaces en noir pour toute la saison, à la place de l’emblématique couleur grise de son écurie. Idem pour sa combinaison de course.
Outre-Atlantique, certains joueurs de la NBA aimeraient aller plus loin que ce qui est autorisé pour le moment. L’association des joueurs de la NBA va s’associer à la marque de vêtements de Russell Westbrook, l’un des joueurs de la ligue, pour créer des T-shirts d’entraînement avec des messages dont certains n’ont pas été approuvés au préalable par la NBA. En effet, plusieurs joueurs avaient exprimé leur frustration à propos de la liste de messages soumise par la ligue. Parmi eux, LeBron James qui a fait comprendre qu’il aurait aimé avoir son mot à dire sur ces messages. D’autres joueurs ont critiqué le fait que la liste n’inclue pas les noms de victimes de violences policières ou que la ligue ait refusé des expressions telles que «Police Reform» (réforme de la police) ou «Am I Next?» (Suis-je le prochain ?).
Si j’avais pu, j’aurais préféré mettre le nom d’une des victimes, George Floyd, Breonna Taylor ou même Traoré pour porter un message français.
Evan Fournier dans un entretien accordé à L’Equipe
Evan Fournier, le joueur français qui évolue pour la franchise d’Orlando voulait mettre le nom de Traoré dans son dos.
La politique dans le sport toute une Histoire
Si aujourd’hui cette parole politique commence à s’étendre sur les terrains de sport, c’est sans doute que le message s’y prête. Le racisme est l’un des principaux combats des instances sportives ces dernières années. Au football, L’UEFA condamne fermement toute forme de discrimination raciale dans son règlement. L’instance européenne multiplie ses spots publicitaires avec son slogan « Say no to racism » également présent sur les brassards des capitaines lors de rencontres. La lutte contre le racisme dans le sport remonte au siècle dernier. En 1936, l’athlète américain noir Jesse Owens a réussi l’exploit de remporter quatre médailles d’or lors des JO de Berlin faisant ainsi un pied de nez à Adolf Hitler et son culte de la supériorité de la race arienne.
32 ans plus tard, la lutte se poursuit avec le poing levé du « Black Power ». Il s’agit d’un acte de contestation politique menée par les athlètes afro-américains Tommie Smith et John Carlos lors de la cérémonie de remise des médailles du 200 mètres. Chaque athlète lève un poing ganté de noir et le garde levé lors de l’hymne américain. Dans son autobiographie, « Silent Gesture », Smith déclare que ce geste n’est pas un salut du « Black Power » comme la presse le décrit, mais un « salut pour les droits de l’homme ». L’événement est considéré comme l’une des manifestations politiques les plus importantes de l’histoire des Jeux olympiques modernes. En 2016, là encore pendant l’hymne des États-Unis, le joueur de football américain Colin Kaepernick a posé son genou à terre.
Par ce geste, il dénonce la brutalité policière et le racisme aux États-Unis. Son action va prendre une ampleur médiatique et symbolique majeure. Le geste de Colin reste encore perçu comme un symbole de la lutte contre le racisme notamment à travers le mouvement « Black Lives Matter » que beaucoup de sportifs ont reproduit ces derniers mois.
Pourtant il ne faut pas croire que message politique et terrain de sport font la paire. L’un des principaux cauchemars des représentants officiels lors des matchs à travers le monde ? Qu’un joueur soulève son maillot pour exhiber un T-shirt arborant un message politique ou engagé, quel qu’il soit. Et pour les en dissuader, on est passé à la sanction, si possible financière. « Les messages n’ont pas leur place dans le jeu. La punition dépendra de la nature de celui-ci », précisa en son temps Jérôme Valcke, ex-secrétaire de la FIFA. Parmi ceux qui restent dans les mémoires, le geste de Frédéric Kanouté, alors joueur du FC Séville, qui avait affiché son soutien à la cause palestinienne en 2009. Il dut régler une amende de 3 000 euros. Cependant, ce type de sanction ne vise pas que les sujets « clivants » . Didier Drogba avait lui aussi dû affronter une telle menace pour son mot d’amour à Nelson Mandela, « Thank you Madiba », lors d’un match du championnat turc.
Reste à savoir si le phénomène « Black Lives Matter » durera plus qu’une saison.
Un article d'Antoine Baret édité par Sailesh Gya.