Les créateurs de contenus pour adultes ont été les premiers à adopter la plateforme Onlyfans, créée en 2016 au Royaume-Uni. Pendant la période du confinement, le réseau social a vu ses inscriptions exploser de 75% : les interactions personnalisées proposées par les travailleurs et travailleuses du sexe ont conquis de nombreux internautes isolés.
Mentions « j’aime », « followers », messages privés… A première vue, Onlyfans semble être un réseau social comme les autres. Pourtant, il se distingue tout à fait des plateformes classiques de partage de photos et de vidéos. En effet, pour accéder au contenu d’un utilisateur, il faut payer un abonnement mensuel dont le montant varie entre 5 et 50 euros. Et le concept fonctionne : en seulement quatre ans, près de 25 000 000 d’utilisateurs dans le monde ont commencé à utiliser Onlyfans. Au mois de mai, le président-directeur général Tim Stokely a déclaré lors d’un entretien avec Buzzfeed que « le site obtient environ 200 000 nouveaux utilisateurs toutes les 24h » et « 7000 à 8000 nouveaux créateurs de contenu chaque jour ».
Photos, vidéos et streaming
A l’inverse des réseaux sociaux comme Instagram sur lesquels la nudité n’est pas autorisée, Onlyfans ne dispose pas d’une politique de contenu restrictive. On peut y partager avec ses « fans » des photos et des vidéos à caractère sexuel sans risquer un avertissement. Très rapidement, le site est devenu (malgré lui) une référence dans l’industrie du divertissement pour adulte.
Celle qui se fait appeler Suuccube est cam-girl. Pour la contacter, il suffit de se rendre sur Twitter : de nombreuses travailleuses du sexe (TDS) y font la promotion de leurs services. La française expose son corps en live sur des sites dédiés. Elle s’est lancée sur Onlyfans en janvier pour « proposer un contenu différent » à ses clients qui peuvent acheter ses « vidéos porno et des photos sous forme de pack ». Selon elle, « ce qui marche dans le commerce, c’est la différence ».
« Notre situation est toujours aussi précaire, en réel comme sur le net. »
Nala Moore fait elle aussi partie des françaises qui partagent leur contenu sur Onlyfans. Elle a créé son profil au mois de mars puisque toutes ses collègues TDS exerçaient déjà sur le réseau social. Elle y publie des photos de nus ou en lingerie, réalisées seule ou avec l’aide de photographes. La jeune femme « prend du temps à créer des mises en scène pour produire les meilleurs clichés possibles ».
Mais, pour Nala Moore, « Onlyfans n’est pas la meilleure plateforme pour développer de manière saine le travail du sexe ». « Les sites comme celui-ci n’offrent aucune couverture sociale et aucun statut légal aux TDS », explique-t-elle. « C’est un réseau social anglais, donc on y perd beaucoup en euros et le site nous prend une sacrée marge », rajoute la jeune femme. En effet, Onlyfans touche 20% des sommes générées par ses créateurs de contenus. En résumé, le site ne protège pas les TDS qui évoluent pourtant dans un environnement de travail violent : « même à bientôt 30 ans, on se prend de sales réflexions sur ce qu’on fait de notre corps ». Suuccube, quant à elle, « reçoit toujours des menaces de mort » même si « ceux qui consomment sont généralement très respectueux envers leurs TDS ».
Des revenus fluctuants
D’après Onlyfans, certains créateurs de contenu gagneraient plus de 500 000 dollars par mois. Pour Nala Moore, cela ne concernerait qu’une minorité d’utilisateurs très en vue et essentiellement des américains. « Personnellement, je ne vis pas avec ce que je gagne sur Onlyfans », raconte la jeune femme. Elle partage son contenu sur plusieurs sites du même type, mais la vente de photos érotiques lui permet de se « payer des petits voyages, pas de vivre ».
La plateforme a pour réputation d’être un bon moyen de gagner beaucoup d’argent facilement et rapidement, mais, la plupart du temps, elle ne permet à ses utilisateurs que d’arrondir leurs fins de mois. Suuccube, justement, s’est inscrite sur le réseau social pour obtenir un « complément de salaire ». Pourtant, exercer sur Onlyfans semble être un job à plein temps : en plus de créer du contenu original, les TDS doivent se rendre disponibles un maximum pour les clients, répondre à leurs messages privés et leur offrir des attentions personnelles.
Pour Nala Moore, « Onlyfans n’a pas révolutionné le travail du sexe ». La plateforme ne simplifie pas la vie des TDS qui ne sont protégés ni légalement, ni financièrement.
Hélène Janovec