Oui, les enfants regardent du porno. D’après une étude menée par l’IFOP (Institut Français d’Opinion Publique) en 2017, près de la moitié des collégiens a déjà surfé sur un site pornographique. Si ce constat en lui-même peut paraître insignifiant, ses conséquences, elles, sont problématiques. Certains enfants sont choqués par les images et d’autres les prennent pour modèle. L’Observatoire de la Parentalité et de l’Education Numérique (OPEN) se bat pour faire respecter la loi et sensibiliser parents, enfants et institutions à ce phénomène de société. Après des années de dialogues et de négociations, l’association est parvenue à faire adopter un amendement par le Sénat.
« C’est très simple d’aller sur des sites : tu tapes, tu cliques, et tu confirmes que tu as 18 ans en cliquant. », explique Céline, étudiante strasbourgeoise qui regarde du porno depuis ses 13 ans. L’extrême facilité d’accès et le manque de contrôle de ces plateformes est un véritable problème. Lorsque l’OPEN s’en est rendu compte, il a animé un groupe de travail. Ses conclusions ont mené à la signature d’une charte et au discours du Président de la République du 20 novembre dernier. « Bien mais pas suffisant », juge Thomas Rohmer, président et fondateur de l’OPEN.
Après avoir « œuvré en coulisse », l’association a obtenu l’adoption d’un amendement par le Sénat, le 9 juin 2020. Concrètement, les sites devront trouver une solution pour éviter que les mineurs aient accès à leurs contenus. En cas d’infraction, ils s’exposent au blocage de leur site. « L’idée est de faire en sorte qu’ils respectent les lois en vigueur dans notre pays. », tranche le président de l’association. Car pour la plupart des parents, c’est un tabou. Audrey, maman de deux enfants, vient d’acheter à son fils son premier téléphone. Consciente des dangers du net, elle a installé un contrôle parental : « Beaucoup de choses circulent sur internet et tout n’est pas vu, on ne peut pas tout stopper, reconnait-elle. C’est très bien niveau culture, mais ça peut être aussi être un poison. C’est le rôle des parents, ils doivent être très présents. »
Des consommateurs de plus en plus jeunes
« J’ai eu du dégout, c’était cru et sans amour, ça faisait sale », se souvient Céline lorsqu’elle évoque sa « première fois ». Comme elle, 53% des garçons et 59 % des filles ayant déjà regardés du porno considèrent qu’ils étaient trop jeunes. Thomas Rohmer déplore ce phénomène : « Le porno n’est pas un problème, en revanche ce qui est problématique, c’est de savoir que des enfants de plus en plus jeunes peuvent avoir accès à ces contenus, moyennant le fait que le code pénal n’est pas respecté ». « D’un coup, j’ai vu trop de parties que je ne voulais pas voir », confirme Céline. L’OPEN met en garde enfants et parents dans ses fiches Porno, le choc du premier clic : « Regarder des images pornographiques lorsque l’on débute l’apprentissage de sa sexualité, c’est prendre le risque de brûler les étapes et de se tromper de chemin ».
Parler à un adulte
73% des garçons au collège pensent que les films X ont participé à l’apprentissage de leur sexualité. Sam (nom modifié NDLR) reconnait l’influence du porno sur sa vie sexuelle : « Ce qui m’intéresse le plus dans mes rapports sexuels, c’est ma performance, pas mon plaisir ». Afin d’éviter ces comportements, l’OPEN préconise de déconstruire ces images. Mais pour cela, il faut dialoguer. « Avoir 15 ans en 2020 ce n’est pas facile, explique Thomas Rohmer. « Je vais sur YouPorn, j’en parle à mes parents ils partent en courant, j’en parle à mes professeurs, ils se cachent sous le bureau » ». Audrey, elle, avoue ne pas en avoir parlé avec ses enfants : « Pour l’instant, on a réussi à les protéger, il n’y a pas eu de questions », se félicite-t-elle. L’ainé de la jeune maman a 11 ans, mais elle ne s’inquiète pas pour autant : « Je crois qu’à ce jour, il ne sait pas comment on fait les bébés !, ironise-t-elle. Le fondateur de l’association, lui-même père, regrette que l’éducation sexuelle appliquée actuellement n’aborde que les aspects sanitaires. « Avant d’apprendre à sortir un préservatif, on peut parler de consentement, et ce dès la maternelle, sans qu’il y ait de connotation sexuelle », explique-t-il.
Alice Rixein