La scène est sa meilleure amie. Mais cela fait bien longtemps que ces deux êtres chers ne se sont plus retrouvés. Marion Stenton, comme tant d’autres artistes souffrent depuis plus d’un an. Aujourd’hui, c’est au Théâtre National de Strasbourg, que cette jeune dramaturge a décidé de militer, aux côtés de ses collègues et amis étudiants.
C’est le coeur lourd que Marion, 25 ans, voit son univers s’effondrer. Après être passée par Hypokhâgne, Khâgne et l’École normale supérieure de Paris, c’est en 2019 qu’elle pousse les portes du Théâtre National de Strasbourg. « L’art ça vient de toujours », déclare-t-elle spontanément. Derrière sa frange, la jeune dramaturge souligne que le choix d’être artiste est un parcours très long, semé de sacrifices en tous genres. Elle débute le théâtre très jeune et sait d’emblée que ce sera ça et rien d’autre. Admirative du TNS et des artistes qui y jouent, c’est tout naturellement qu’elle tente le concours du « groupe 46 » (la nouvelle promo) et y pose ses valises, une fois admise. Actuellement, l’étudiante du TNS travaille en tant que dramaturge, une position sans cesse définie en fonction du spectacle. « Malgré tout, le milieu de la culture est menacé depuis un bon bout de temps. On parle souvent des années dorées de la culture mais on sait bien qu’en ce moment tout se dégrade », souligne-t-elle, la gorge nouée.
Un réel militantisme
Les étudiants de l’École supérieure d’art dramatique occupent jour et nuit le Théâtre National de Strasbourg, depuis le 9 mars. Ils veulent la réouverture des lieux de culture et la prolongation de « l’année blanche ». Cette année blanche consiste en l’indemnisation de l’ensemble des intermittents jusqu’au 31 août 2021 pour l’instant. Tout cela sonne comme une évidence pour Marion, qui n’a pas hésité à s’engager pour ce mouvement ; « On n’a jamais voulu diminuer la gravité de la pandémie, on s’est adaptés aux conditions mais aujourd’hui ce n’est plus tenable », justifie l’étudiante en dramaturgie. « On n’est pas en train d’occuper les théâtres pour revendiquer le jeu ou de pouvoir ‘jouer’ mais pour dire qu’on veut tra-vai-ller », appuie-t-elle. Inquiétée par la situation, Marion se veut réaliste et sait pertinemment qu’elle arrivera sur un marché du travail complètement embouteillé pour les actrices.
Une inquiétude quant à la vie humaine
« Qu’est-ce que nous, on peut faire de plus encore alors qu’on s’est toujours adaptés ? », telle est la question qui tourmente Marion depuis des semaines. La sensation de s’habituer aux choses actuelles, sans voir le bout du tunnel lui fait peur. « Quand j’entends des gens me dire qu’il ne faut pas s’inquiéter, moi je ne crois pas du tout à ça. Avoir du courage et de l’espoir ça ne suffit pas toujours », dit-elle, émue. Elle souhaite qu’on arrête de mettre en balance la vie des gens sur des « peut-être ». « On est dans une société où des gens ont décidé de prendre des postes à la direction d’un pays et une de leurs responsabilités est de laisser les gens travailler », soutient-elle. Pour l’étudiante, devoir plaider sa cause comme si elle était coupable est injustifiable. « Va-t-on vraiment accepter de vivre dans une société où on ne se rencontre plus, où on ne se parle plus, où on arrête de penser ? Moi je trouve ça dangereux », conclut la jeune artiste.