Repérée pour la première fois en France en décembre, l’épizootie de grippe aviaire ne cesse de s’étendre. Plus de 380 000 canards ont été abattus préventivement, pour tenter d’endiguer le virus H5N8. En Alsace, les éleveurs de volailles sont vigilants. Un arrêté gouvernemental plaçait le Haut-Rhin et le Bas-Rhin en risque « élevé » d’introduction de la grippe aviaire par les oiseaux migrateurs le 4 novembre dernier.
Depuis novembre, les éleveurs de volailles alsaciens sont contraints de confiner leurs élevages, ou de poser des filets de protection au-dessus des enclos. Le but est d’éviter tout contact entre les poulets et les oiseaux sauvages, potentiellement porteurs de la grippe aviaire. Le virus H5N8 a été détecté non loin de la frontière française, dans un couloir migratoire traversant la France. L’Alsace fait partie des territoires de prédilection survolés par les oiseaux sauvages en période migratoire, ce qui explique sa place parmi les régions classées à risque élevé de contamination par l’influenza aviaire. Cent dix-neuf foyers de grippe aviaire ont été détectés dans les Landes, l’épidémie reste à ce jour éloignée du Grand-Est. Régis Lorber, éleveur de volailles de chair dans le Bas-Rhin, est attentif à l’évolution de l’épidémie: « J’espère que la maladie ne s’approchera pas de la région alsacienne et qu’elle ne se transmettra pas des canards aux poulets. » confie-t-il.
Des mesures mises en place pour protéger les élevages
En France, depuis le 1er juillet 2016, chaque détenteur de volailles doit mettre en place un « plan de biosécurité » pour l’ensemble de son exploitation. Les éleveurs avicoles réalisent d’abord une analyse de risque, en tenant compte du contexte sanitaire de leur exploitation et de leur environnement. Ils rédigent ensuite leur plan de biosécurité adapté à la réalité de leur exploitation. « Tu prends le plan des bâtiments, tu décris le chemin parcouru par les engins de transports, la sortie des cadavres car il faut qu’ils soient congelés. Tu appliques tout un procédé », résume Régis Lorber. Le jeune agriculteur de 28 ans applique scrupuleusement les mesures de l’arrêté gouvernemental: « Je n’ai pas le droit de mettre mes volailles dehors, dans le parcours extérieur. En cours d’élevage, il faut de toutes manières respecter la biosécurité. » explique-t-il.
Ces règles exigent d’être rigoureux : « Il faut que je change mes habits, que je mette d’autres chaussures avant d’entrer dans les bâtiments, afin qu’il n’y ait rien de l’extérieur qui entre au sein des bâtiments. Je peux rapporter plein de choses en marchant, si je marche sur une fiente d’oiseau sauvage par exemple et que je ne change pas de chaussures, je peux transporter le virus avec moi, d’où l’importance de me changer avant chaque entrée dans un bâtiment. », détaille Régis Lorber. L’ éleveur est conscient de l’ampleur du virus H5N8 et réaliste quant à la nécessité d’abattre les élevages de volailles en prévention: « C’est la seule solution pour que ça ne devienne pas une catastrophe pour la filière avicole. À grande échelle, ça pourrait poser problème pour l’alimentation s’il n’y a plus de cette viande sur le marché. Le virus peut muter et se transmettre à d’autres espèces. » L’agriculteur ne se leurre pas: « Ça parait horrible d’abattre les animaux en prévention, mais il n’y a vraiment pas d’autres solutions, que ce soit des petits ou de grands élevages. »
Le virus H5N8 surveillé de près par la filière avicole alsacienne
Thomas Kelhetter, responsable de la filière aviaire à la Chambre d’agriculture d’Alsace, suit quotidiennement l’évolution de la grippe aviaire sur le territoire français et européen. Il met un point d’honneur à pouvoir conseiller et informer au mieux les éleveurs. « Je les tiens informés par mail dès lors que je détiens une nouvelle information. Les éleveurs alsaciens sont très scrupuleux, ils savent précisément ce qu’ils doivent faire en cas de contamination animale, ils connaissent les signes alarmants », précise t-il. Parmi les signes alarmants: « une baisse d’appétit, les animaux ne s’abreuvent plus, ou moins. Les éleveurs tiennent des registres, l’anomalie n’est pas forcément détectable dès le premier jour de maladie mais grâce aux registres, en 3 ou 4 jours on peut commencer à repérer un problème. », explique le responsable avicole.
Dès lors qu’une anomalie est remarquée, les éleveurs contactent les autorités vétérinaires. Celles-ci prennent le contrôle de l’exploitation, procèdent à des prélèvements sur les animaux. En cas de contamination avérée et d’abattage de l’élevage, les éleveurs sont indemnisés à hauteur de 80 à 90 %. Une procédure de décontamination des bâtiments agricoles est lancée, pour assainir l’exploitation et permettre l’acquisition d’un nouvel élevage.
Clémentine Voinchet