Raseter : l’art de danser avec les taureaux. Le raseteur Julien Ouffe est à nouveau dans l’arène face aux taureaux pour tenter d’enlever les attributs primés qui décorent la tête de la bête. Portrait de l’un des acteurs de la course camarguaise.
Il trépignait d’impatience à l’idée que la saison de course camarguaise reprenne. La Covid-19 l’a laissé à la maison pendant de longues semaines, mais le raseteur héraultais de 38 ans, Julien Ouffe est à nouveau en piste pour défier les taureaux camarguais. Attention, cependant à ne pas faire l’amalgame entre la corrida et la course camarguaise. Ici, aucune mise à mort de la bête, seul l’homme risque sa vie. L’objectif des raseteurs, au-delà de tenter d’attraper les ornements accrochés sur les cornes du taureau, est de mettre l’animal en lumière. « Les cocardes sont accrochées sur ses cornes, car il n’a pas de nerf ni sur les cornes ni sur le front, donc aucun risque de lui faire mal. De plus pour qu’un raseteur monte à un haut niveau, il doit surtout respecter le taureau et le mettre en avant », explique Julien.
Sa passion pour les taureaux commence dès l’enfance. Il a été bercé dans cet univers à travers les traditions et les différentes fêtes votives de la région. C’est grâce à des amis qu’il intègre l’école taurine de Mauguio, près de Montpellier, à l’âge de 15 ans pour apprendre le sport de raseteur qu’il pratique depuis. « C’est toute ma vie, c’est une passion et je vis tous les jours avec les taureaux dans mon esprit. », déclare-t-il. Preuve de sa passion : il a également démissionné de son poste d’employé communal pour devenir agent de collecte d’ordures ménagères afin de bénéficier d’horaires mieux adaptés.
Raseteur à la vie à la mort
Sa première course camarguaise, il s’en souvient presque comme si c’était hier. « C’était à St-Rémy de Provence, en 2001. Tout de suite, je me suis fait soulever par le taureau. C’est là que j’ai su que j’allais faire une carrière de raseteur, car à l’instant où je me suis relevé j’avais envie que d’une chose, c’était d’y retourner. », avoue Julien. Depuis, il ne s’est jamais écarté de la famille des raseteurs malgré les coups reçus. En témoignent les nombreuses cicatrices sur son corps à cause des impacts de cornes.
C’est toujours le même feu qu’à ses débuts qui l’anime aujourd’hui. « La petite pression avant l’arrivée du taureau et la fierté au moment d’être présenté aux spectateurs sont toujours similaires », affirme Julien. Mais le raseteur sait qu’il doit profiter de chaque course qu’il dispute. À presque 40 ans, il va bientôt raccrocher les crochets. « Je voulais arrêter à la fin de la saison mais la Covid m’a fait repousser l’échéance à l’année prochaine car je ne veux pas partir sur une demi-saison. », déclare Julien. Un départ après avoir consacré 20 ans à sa passion. Il s’éloignera sans doute des arènes quelque temps pour « faire le deuil » comme il le dit lui-même.
« On est considéré comme des gladiateurs »
La course camarguaise est plus qu’un sport, c’est une religion dans le département de l’Hérault. Adulé et élevé au rang de star de la région, l’engouement autour de Julien Ouffe est fort. « À la fin des courses, j’ai des gens qui me demandent des autographes, des rubans voire même mon t-shirt. » s’amuse le raseteur. Il faut dire que ce n’est pas donné à tout le monde de se retrouver face à un taureau. « On est considéré comme des gladiateurs du fait qu’on risque notre vie pour divertir les gens en quelque sorte », déclare-t-il.
Les taureaux ont également droit aux honneurs. Les plus coriaces, et donc les plus célèbres d’entre eux surplombent les ronds-points de la région, et certains ont même leur page Wikipédia. Un trophée appelé le Biou d’Or est également prévu pour l’animal le plus téméraire de chaque saison, « le Graal pour les manadiers (NDLR : éleveurs) » selon le raseteur.
Les courses camarguaises sont une tradition « à voir pour tous les touristes de passage dans la région », d’après Julien Ouffe.