Un forum théâtral autour de Julian Assange, fondateur de Wikileaks, s’est tenu au Théâtre National de Strasbourg le 24 janvier. Pendant plus de trois heures, la salle a pu suivre l’histoire de ce lanceur d’alerte à travers la mise en scène de Sahra Siré. Quatre actes pour retracer le parcours d’un journaliste enfermé depuis 2019 au Royaume-Uni et menacé d’être extradé aux Etats-Unis.
La salle du TNS était remplie de spectateurs avides de comprendre « la tragédie » Julian Assange. Destiné à informer sur la situation, Assange Odysseia a fait venir plusieurs experts et témoins qui ont exposé les enjeux de ce cas si révélateur des limites de la liberté d’expression. Sauver Julian Assange de l’oubli et empêcher une extradition qui le priverait de sa liberté, voilà le maître-mot du forum.
Dossiers confidentiels
La soirée a débuté par une vidéo choc. Celle prise par des Américains en Irak pendant la guerre lors d’une tuerie de civils qui, on l’entend, semble amuser les soldats. Depuis ces révélations via Wikileaks, les Etats-Unis demandent l’extradition de Julian. Une extradition qui aurait des conséquences sur la vie de l’homme : 175 ans d’emprisonnement. Terroriste high-tech pour les uns, héros révolutionnaire pour les autres, le fondateur de Wikileaks continue de diviser, et la pièce compte bien rétablir la véracité de son histoire. Sahra Datoussaid, comédienne et dramaturge a activement participé à la création de ce forum. « Grâce à Wikileaks, les secrets d’Etat pouvant être qualifiés de crime de guerre, de torture et de corruption sont parvenus à la connaissance de tous. Et pourtant ce travail d’historien du présent a privé Julian Assange de sa liberté. », explique t-elle.
« La procédure est la punition »
De quoi Julian Assange est-il accusé ? D’après ses avocats présents sur place, il est le symbole d’une justice abusive et politique. Ces derniers ont déposé un appel contre son extradition aux Etats-Unis auprès de la Haute Cour Britannique et attendent toujours le résultat. Les mots du juriste Baltasar Garzón son forts. Julian Assange serait victime de « persécution politique » et d’un « simulacre de justice ». Face à une procédure lente, en cours depuis plusieurs années et à laquelle même les avocats ne comprennent plus rien, Julian Assange est freiné dans sa quête de liberté. « La procédure est la punition », affirme l’avocate Jennifer Robinson. Puni pour avoir fait ce qu’il estimait juste, puni pour avoir accompli son devoir de journaliste, Julian Assange est devenu l’acteur principal d’une des plus grandes injustices de ce siècle.
Liberté d’expression en danger
Mais l’objectif principal de ce forum était, à travers le symbole qu’est devenu Julian Assange, de défendre à tout prix la liberté d’expression et la liberté de la presse. Cette affaire est l’une des plus révélatrices des limites de la démocratie et des libertés. Le cas Assange témoigne du pouvoir des plus puissants sur les faits, et sur leur divulgation. Le lanceur d’alerte et son ONG ont bien montré une chose : la liberté d’expression n’est jamais acquise.
Julian Assange est aujourd’hui toujours enfermé au Royaume-Uni. Ses avocats continuent d’empêcher son extradition aux Etats-Unis qui lui coûterait la vie. « Je connaissais le cas Assange mais je n’avais pas vraiment conscience de son ampleur, explique Mathias, étudiant. C’est clair que c’est important pour l’avenir du métier de journaliste et surtout pour l’avenir de la liberté d’expression. » L’Odyssée Assange a résonné dans l’esprit de la salle, tout particulièrement lorsque Julian Assange en personne a appelé de sa prison, silencieux au bout du fil. Une salve d’applaudissements, suivis d’un silence témoignant du respect du public, voilà ce qu’on peut retenir de cette soirée au TNS.
Marie Chappaz