Hier, la menace des médecins de démissionner si aucune mesure majeure n’était annoncée pour améliorer les moyens du système hospitalier a été mise à exécution. Au total, ils sont donc 1120 dont 600 chefs de service à avoir déposé leur lettre de démission collective au gouvernement.
« C’est pour vous alerter solennellement que nous avons pris en toute responsabilité, la décision inédite et difficile de démissionner collectivement de nos fonctions ou mandats si des négociations ne sont pas engagées ». Les mots employés à la fin de la lettre de démission collective sont forts. Aucune négociation n’a été trouvée entre le gouvernement et les hôpitaux publics. La liste a été envoyée hier à la ministre de la santé, Agnès Buzyn. Signée par tous les démissionnaires, elle a notamment été diffusée sur le compte Twitter de Collectif Inter-Hôpitaux.
Dialogue difficile entre gouvernement et médecins
Énormément d’appels à l’aide, très peu de retours. Voici ce que les membres du corps hospitalier ont retenu des derniers mois de manifestations et de négociations avec le Ministère de la santé. En mars 2019, plusieurs hôpitaux avaient vu leurs urgences fermées pour cause de manque de médecins urgentistes. Une fermeture qui avait provoqué la fureur du personnel soignant alors entré en grève contre les conditions catastrophiques des soignants.
C’est hier, aux alentours de 11 heures qu’a eu lieu la conférence de presse des chefs de services démissionnaires. Réunies à Paris, les personnes qui ont pris la parole étaient majoritairement des médecins venus de toute la France, synonyme d’un ras-le-bol national qui ne s’est pas cantonné qu’aux grands CHU régionaux. En effet, les plaintes venues des hôpitaux de campagne comme des grands hôpitaux universitaires ont illustré que le malaise était bien national. Une crise qui a fait son nid jusqu’en Alsace, puisque le docteur Didier Debieuvre, chef du service pneumologie à l’hôpital Émile Muller de Mulhouse fait également partie des 1120 signataires.
Lors de la conférence de presse donnée dans la capitale, le chef de service Xavier Marielle expliquait notamment que « cette démission est un geste politique très fort, et nous la faisons avec tristesse et la mort dans l’âme ». C’est donc un acte marquant, même si les médecins démissionnaires ne comptent pas rompre avec leur devoir. En effet, ces démissions ne sont pas des démissions de leurs fonctions de soignant, mais simplement de leurs fonctions administratives, comme les réunions de direction auxquelles ils se sont promis de ne plus participer.
Un secteur en tension
Malgré tout, le budget mis en place pour le corps médical ne cesse d’augmenter chaque année. Alors une question se pose encore : pourquoi la situation est-elle si critique ? En octobre 2019, le gouvernement a présenté un PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale) très peu apprécié par le personnel soignant. Un budget annuel pour 2020 s’élevant à 84 milliards 200 millions d’euros, avec un taux de dépassement autorisé de seulement 2,1% contre 2,3% l’an dernier. Autre problème, cette hausse annuelle du budget est accompagnée par une augmentation des demandes d’économies du gouvernement envers les hôpitaux publics. En effet, fin 2019, la Ministre de la Santé avait promis d’apporter au budget hospitalier 1,5 milliards d’euros supplémentaires sur trois ans. Mais dans le même temps, c’est 1 milliard d’euros d’économies en plus qui ont été demandés par le gouvernement pour l’année 2021.
Des montants alloués qui ne sont pas suffisants pour les soignants. C’est le cas de Véronique Clarinard, aide-soignante dans un hôpital de campagne en Franche-Comté pour qui « il y a aussi un gros problème au niveau du personnel. De plus en plus, les personnes partent en retraite ou en congé maternité et ne sont pas remplacés. On a besoin de personnel, à tout prix ». Trop peu de médecins, mais aussi d’infirmiers, d’aides-soignants et de brancardiers, le corps des agents de santé a de plus en plus de mal à rester debout. Aujourd’hui, les médecins espèrent que leur geste fera une fois pour toute réagir le gouvernement, afin qu’il leur apporte l’aide qu’ils attendent depuis bientôt un an.
Maxime Thoinnet