Une première en France. La semaine dernière, l’ANMS (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) a annoncé la date de la mise en place d’une expérimentation sur le cannabis thérapeutique. A partir de septembre prochain, près de
3 000 patients choisis pourront se soigner avec du chanvre médicinal, de manière légale, afin de prouver ses vertus.
Une nouvelle façon de se soigner. Le cannabis thérapeutique, ou chanvre médicinal, permettrait à des milliers de Français atteints de graves maladies de soulager ou soigner leurs maux. Une méthode très critiquée mais surtout méconnue. Pour Christian Muller, docteur en sciences et chercheur en pharmacologie à l’Institut Hubert Curien à Strasbourg, les qualités du chanvre médicinal ne sont plus à prouver. « Depuis de nombreuses années, on connaît les vertus du chanvre médicinal, explique-t-il. C’est un anti-inflammatoire, il soulage les effets secondaires de la chimiothérapie comme les vomissements. Son efficacité n’est plus à démontrer pour soulager les douleurs de la sclérose en plaque. Je ne comprends pas pourquoi le chanvre médicinal reste encore si souvent décrié». Le cannabis thérapeutique est également connu pour atténuer l’anxiété et les troubles du sommeil des patients.
Le cannabis, la hantise du gouvernement
Mais cette méthode soulève bien des questions. S’il n’est toujours pas légal en France, c’est parce que le cannabis n’arrive pas à se débarrasser de sa mauvaise image de drogue hallucinogène. Pourtant, le chanvre peut être utilisé de nombreuses façons comme en tissu pour des vêtements, ou encore en construction de bâtiments. Alors pourquoi pas en médecine ? Pour l’instant, seules les variétés de chanvres industriels sont autorisés sur le territoire français. Selon la loi, les patients détenteurs de cannabis risquent un an de prison et 3 750 euros d’amende. Les médecins prescrivant du cannabis thérapeutique peuvent être amenés à payer une amende de plus de 6 000 euros. La justice restant clémente, la plupart des patients jugés en tribunal ont été dispensés de peine ou totalement relaxés. En 2013, le tribunal d’Avignon a décidé d’acquitter un homme alors âgé de 47 ans. Il utilisait le cannabis pour soulager les syndromes de la maladie d’Horton, comme la fatigue et le manque d’appétit.
Une France en retard
Si le chanvre est interdit en France, ce n’est pas le cas chez ses voisins, comme l’Allemagne. Délivré en pharmacie et sous ordonnance, le cannabis thérapeutique a fait ses preuves dans le pays et la plupart des patients français n’hésitent pas à passer la frontière pour s’en procurer. La France est-elle en retard ? Chacun est en droit de se le demander, au vu de l’utilisation du cannabis dans les autres pays, comme le Portugal, premier producteur européen. Pour le Dr Muller, les mentalités doivent changer. L’expérimentation prévue en 2020 ne pourra concerner que 3 000 patients, un nombre pas suffisant pour le professionnel : « On nous dit que ça va avancer en septembre, mais 3 000 patients c’est peu. Il y en a près de 100 000 qui attendent la légalisation du chanvre médicinal. Pour l’instant, on empêche les gens de se soigner ».
L’Assemblée nationale a d’ores et déjà donné son aval pour une expérimentation sur deux ans. Reste à voir si les mentalités auront le temps d’évoluer.