Les Tribunaux français, britanniques et américains ont tranché vendredi dernier : Airbus devra s’acquitter de 3,598 milliards d’euros dans une affaire liée à des soupçons de fraude, de pots-de-vin et de corruption.
L’avion s’est posé mais pas sans une carlingue troué: le premier avionneur européen devra quand même débourser 2,083 milliards d’euros au parquet national financier (PNF), 984 millions au Serious Fraud Office (SFO) britannique et 535 millions au Department of Justice (DoJ) et au Department of State (DoS) américain. Condamné pour infraction à la législation américaine, l’accord conclu permet à Airbus d’échapper au risque d’interdiction d’accès aux marchés publics.
Mais pour arriver à cet « accord de principe » l’avionneur s’était auto dénoncer auprès du SFO en 2016 car le groupe avait omis de déclarer recourir à des intermédiaires. Tombant ainsi sous le coup du Foreign Corrupt Practices Act (FCPA), Airbus voulait se mettre à l’abri d’éventuelles poursuites américaines. Les États-Unis soupçonnent également l’avionneur dans le cadre de l’International Traffic in Arms Regulations (ITAR), de ne pas posséder certaines autorisations pour exporter de l’armement contenant des composants américains.
Le droit, arme de guerre économique
462, c’est le nombre de cas qui ont amené à une condamnation dans le cadre du FCPA depuis 2008. La loi a vu le jour en 1977 pour lutter contre la corruption d’agents publics à l’étranger. À première vue, on ne peut que se réjouir d’une loi favorisant la lutte contre la corruption. Cependant cette loi américaine est extraterritoriale, c’est-à-dire qu’elle peut se déployer en dehors du territoire national américain. Elle concerne tout acte de corruption commis par des entreprises, américaines ou non, qui participent à l’économie américaine. En 2019, Les amendes imposées par l’Office of Foreign Assets Control à travers le FCPA s’élevaient à 2,6 milliards de dollars et les groupes européens représentaient 70% du montant total des amendes.
Cependant cette loi anti-corruption ne semble plaire à personne sauf aux Américains. Puisque cette loi, avec d’autres comme les lois Helms-Burton ou d’Amato-Kennedy, sous couvert de lutte contre la corruption, le terrorisme ou pour la sécurité des Etats-Unis ont été utilisés comme arme de guerre économique afin d’affaiblir la concurrence ou de prendre possession de technologies.
La fin de l’impuissance européenne
Au final, Airbus n’est la fin que d’une longue liste d’entreprises européennes : BNP Paribas, Alstom ou Technip pour ne citer que les françaises. Depuis 2010, les entreprises françaises ont payé plus de 14 milliards de dollars à la justice américaine.
En France, TechnipFMC a accepté de verser 301,3 millions de dollars aux autorités en juin dernier. la BNP Paribas avait dû payer une amende record de 8,9 milliards de dollars en 2014. Autre entreprise à avoir subis les foudres du Département de la Justice des États-Unis : Alstom qui se voit dans l’obligation de verser 772,3 millions de dollars. D’autant plus que cette amende a permis aux Américains de General Electric (GE) de racheter la branche énergie d’Alstom et avec la souveraineté française sur les turbines utilisées dans les centrales nucléaires et dans les sous-marins nucléaires.
Même si Airbus a dû se séparer d’une partie de son équipe dirigeante et payer 3,6 milliards d’euros, l’affaire aura au moins permis aux pouvoirs publics français de montrer l’efficacité de la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) introduite par la loi Sapin 2. Avec ce dispositif, la justice française peut renoncer à engager des poursuites contre des entreprises accusées de corruption sous certaines conditions. Et prouver qu’on peut se protéger contre l’extraterritorialité du droit américain.
Arthur de La Mettrie