Il y a quelques jours à Mulhouse et Altkirch, des enseignes commercialisant du cannabidiol (CBD), molécule dérivée du cannabis, ont dû fermer boutique suite à l’intervention des forces de l’ordre. Nous nous sommes rendus chez Bestown Shop, l’une des deux enseignes strasbourgeoises à en proposer en libre service.
En entrant dans cette petite boutique, on pourrait se croire au paradis du cannabis : thé, chocolat, huile d’olive, savon, biscuit et fleur de CBD sont en vente libre. Mais attention, rien d’illégal ici ! Avec le CBD, c’est plutôt la détente sans la drogue. Il est l’un des principes actifs majeurs de la marijuana mais n’a pas les mêmes effets que le delta-9-tétrahydrocannabinol (THC), molécule psychoactive consommée habituellement par les amateurs de cannabis. Le gérant de la boutique, Caldaras Ghindas, ne plaisante pas avec cette distinction : « Le CBD est une molécule qui apaise, qui nous met zen, le côté psychotrope ne fait pas partie du jeu. Ce n’est pas comme avec le THC où on est clairement sur du récréatif avec des taux qui peuvent monter entre 10% et 25% ».
La grande majorité de ses clients en font un usage thérapeutique. Le CBD soulage des douleurs pathologiques comme « la maladie de chrone, de Parkinson, des gens sous morphine ». Evidemment, des curieux en tous genres viennent découvrir ce « cannabis light », ainsi que des habitués qui ont simplement envie de se détendre en rentrant du travail.
Ni interdit ni autorisé
Parmi les grinders, feuilles, bangs et chichas, on sent que la limite entre le légal et l’illégal est floue. Caldaras Ghindas propose des fleurs de CBD qui sont, d’apparence et d’effluve, en tous points semblables à du cannabis. « Il y en a qui vont partir en tisane et après d’autres en combustion classique », reconnaît le gérant. Pour lui, ce n’est plus de sa responsabilité tant qu’il respecte les règles du jeu : « On m’impose des analyses et des analyses à fournir qui sont bien à jour et inférieures à 0,2% alors au bout d’un moment il faut arrêter de stigmatiser ! »
L’ambiguïté de la loi française permet aux vendeurs de profiter d’une zone grise. Le doute porte sur un taux de THC autorisé, ou non, dans ces produits. La mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) souligne : « certaines variétés de cannabis ou de chanvre, dépourvues de propriétés stupéfiantes, peuvent être utilisées à des fins industrielles et commerciales », à condition que la plante dont ils sont issus ait « une teneur inférieure à 0,2% en THC », et qu’il n’en reste aucune trace dans le produit fini.
Un avenir incertain
Une grosse pression continue de peser sur ces boutiques qui sont régulièrement perquisitionnées. Le commerçant ne comprend pas que la vente de CBD puisse choquer : « On est le pays le plus gros consommateur de cannabis en Europe et le cinquième à l’échelle mondiale, alors au bout d’un moment il faut arrêter l’hypocrisie », clame-t-il. Le gérant n’est pas à plaindre, il n’a jamais eu d’ennuis avec la police. Selon lui, cela est dû aux autorités strasbourgeoises, dont le maire Roland Ries et le préfet de la région Thierry Marx, qui seraient plutôt favorables à la commercialisation du CBD. Ce n’est pas le cas de la ministre de la santé, Agnès Buzyn, qui s’est promise de faire fermer ces boutiques.
La législation française pourrait bientôt changer, mais pas dans le sens souhaité par la ministre. En octobre dernier, deux Marseillais étaient jugés pour avoir commercialisé une cigarette au CBD, avec un taux inférieur à 0,2% de THC. La cour d’appel d’Aix-en-Provence a saisi la Cour de justice de l’Union Européenne pour régler la question. Cela devrait clarifier la loi française : le loi européenne prévaut sur cette dernière et autorise la production, l’utilisation et le commerce de CBD sous toutes ses formes, tant qu’il respecte un taux inférieur de 0,2%. En d’autres termes, si la Cour de justice de l’Union Européenne donne raison aux deux vendeurs, la France devrait, à terme, inscrire dans son propre droit l’autorisation de vente de tous produits contenant du CBD, tant qu’ils ne franchissent pas un taux de 0,2% de THC.
Fanny Perrette
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