
À la rentrée 2024, il manquait en France pas moins de 3185 enseignants. Un vide expliqué par la désertion de ce métier jusqu’alors « passion ». Face aux burn-out et aux démissions, les étudiants hésitent de plus en plus à poursuivre leur désir d’enseigner.
« C’était mon projet depuis toute petite », sourit Émilie Stebler, 20 ans, étudiante en 3e année de licence de Lettres. Comme elle, de nombreux enfants rêvent de devenir un jour à leur tour enseignants. Mais au fil des années, ce rêve se heurte à la réalité. « Les élèves de plus en plus compliqués, les parents également, la charge de travail trop grande, font partie de la longue de liste de problèmes que rencontrent les professeurs », explique-t-elle. « L’ex plus beau métier du monde », titre du livre de William Lafleur, alias MonsieurLeProf sur les réseaux sociaux, ancien professeur d’anglais, illustre à lui seul le désenchantement qui s’est emparé de nombreux futurs enseignants.
Un avant-goût amer
« Certes la société évolue et l’école aussi. De nouvelles problématiques voient le jour. Mais ce qui pousse beaucoup d’entre nous à douter, c’est l’image que les enseignants nous donnent de ce métier. Et ça on l’entend de plus en plus fréquemment », avoue Emilie Stebler, qui doute désormais de sa vocation. Comme elle, beaucoup sont confrontés à cette réalité peu reluisante qui les pousse à hésiter. D’après l’Institut National Supérieur du Professorat et de l’Éducation, en 2015 il y avait 62 000 étudiants inscrits en master Métiers de l’Enseignement, de l’Éducation et de la Formation (MEEF), contre 52 400 l’année dernière, soit une baisse de 16,13%.
Toute l’image de l’école est négative, aussi bien par les regards extérieurs qu’intérieurs
Elise Ducornet, étudiante en 3e année de licence LLCER Allemand
« Je ne veux pas rejeter la faute sur les professeurs. Mais quand on est jeune, motivée, plein d’idées et qu’on nous dit à longueur de journée de ne surtout pas y aller, c’est très démoralisant. Toute l’image de l’école est négative, aussi bien par les regards extérieurs qu’intérieurs », confie Elise Ducornet, 21 ans, qui souhaiterait devenir professeur d’allemand. Alors qu’elle était déterminée à poursuivre en master MEEF après sa licence, elle n’en est plus aussi convaincue aujourd’hui.
Une profession sous tension
« On entend souvent des profs se plaindre de leurs conditions de travail, des réformes qui s’enchaînent et des élèves de plus en plus compliqués. Mais je pense que c’est dommage de dégoûter la nouvelle génération de ce métier. Au contraire, les jeunes pourraient apporter un nouveau souffle à la profession », poursuit-t-elle. Ce phénomène explique, en partie, la désertion progressive des bancs de l’INSPE. En suspend depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024, l’État espère pouvoir prendre rapidement des mesures pour redonner de l’attractivité à ce métier, pourtant essentiel.
Légende photo : L’Université de Strasbourg fait face elle aussi à une baisse d’inscription en Master MEEF (Estelle Kiefer)
Estelle Kiefer