La 12e édition du Forum Européen de la bioéthique dédié à l’enfance se tient jusqu’à demain à Strasbourg. Mercredi 2 février, la question de l’adolescence était au cœur du débat. Un sujet qui implique le parent tout autant que l’enfant.
Comment réagir face à la crise d’adolescence ? C’est la question à laquelle les invités ont tenté de répondre à travers le prisme de leurs expériences personnelles et professionnelles. David Le Breton, professeur de sociologie à l’université de Strasbourg, Marion Muller-Collard, théologienne et écrivaine, Maurice Corcos, psychiatre infanto-juvénile, Arnaud Pfersdorff, pédiatre, Bruno Rotier, conseiller technique au rectorat de Strasbourg ainsi que Lydéric Heitz, lycéen au lycée Jean Sturm, étaient présents pour évoquer cette délicate période de la vie face à une centaine de personnes à l’Aubette.
Le rôle primordial des parents
Marion Muller-Collard, Arnaud Pfersdorff et Bruno Rotier ont chacun insisté sur le rôle primordial de l’adulte durant la crise d’adolescence. En clair, ce serait tout autant une nouvelle expérience pour l’adolescent que pour le parent. « L’ado ne sait pas où il va, il ne veut pas que son père ou sa mère lui dise comment c’était à son époque, il veut tout réinventer, et il a besoin de cette reconnaissance pour passer cette période qui est de plus en plus longue », explique Arnaud Pfersdorff. Son expérience de pédiatre le conduit à voir des adolescents en pleine crise qui lui demandent parfois des entretiens seul à seul. D’après lui, ces adolescents ont besoin d’une figure adulte qui les soutient et les comprend pendant cette période. Si le père ou la mère de l’enfant ne peut pas remplir ce rôle, il faut que quelqu’un d’autre le fasse, selon lui. « L’ado n’est pas un adulte en devenir, l’ado est un ado » rappelle-t-il.
Laisser partir les enfants, c’est assumer la responsabilité du monde pour Marion Muller-Collard. Un monde qui peut paraître hostile à beaucoup de parents. Mais pour la théologienne, ils doivent accepter la direction prise par leurs adolescents, tout en ne les laissant pas dériver. Dans le cas contraire, ils peuvent subir des conséquences physiques et morales. En France, et selon les intervenants, les parents ne sont pas assez informés sur les manifestations d’une crise d’adolescence douloureuse. « Repérer les signaux faibles », c’est la clé pour Bruno Rotier, conseiller technique pour les établissements et la vie scolaire de la cellule climat scolaire du rectorat de Strasbourg. Lui aussi constate les multiplications d’absences à l’école, les scarifications, l’anorexie… « Dans des pays comme la Suède, les parents sont mieux formés pour repérer ces signaux et à y réagir. », estime-t-il. D’autres leviers sont actionnés par le Rectorat pour amortir les crises d’adolescence en milieu scolaire : l’accompagnement de l’institution en cas de harcèlement scolaire et le rappel des valeurs de solidarité et de fraternité dans les classes.
« 20% de nos jeunes en pleine détresse »
Tout en soulignant l’importance de l’adulte pour l’enfant dans la crise d’adolescence, les autres invités évoquent aussi le caractère intime et douloureux de cette période. « 20% de nos jeunes sont en pleine détresse. Ils peuvent avoir des conduites qui mettent en danger leur santé : sexualité non protégée, vitesse sur les routes, tentatives de suicide… », souligne David Le Breton, professeur de sociologie à l’université de Strasbourg. Une vision partagée par Maurice Corcos. Selon le psychiatre, il faut que l’enfant surmonte bien des traumatismes, qu’il s’affirme, et c’est un phénomène qui se ferait tout seul, sans forcément l’aide d’un adulte. « L’adolescent est entre deux âges », résume-t-il, et quelquefois « il doit plonger vers le fond de la piscine pour rebondir ».