La capitale polonaise est en première ligne face à l’afflux massif des Ukrainiens fuyant le conflit provoqué par le voisin russe. De la gare routière à la Halle Torwar, l’enceinte sportive de la ville, les Varsoviens se mobilisent pour venir en aide à ceux qui ont quasiment tout perdu dans ce conflit. Reportage.
Les autocars à destination et en provenance de Varsovie sont visibles dès l’entrée dans la ville ce vendredi 18 mars. Ils transportent en grande partie des Ukrainiens fuyant leur pays natal, envahi depuis maintenant 23 jours par le pays qui se considère comme « frère ». Actuellement, l’Ukraine a vu partir plus de trois millions d’habitants, en plus de ceux perdus dans les combats. Trois millions d’Européens sur les routes, à la recherche d’un lieu d’accueil dans l’attente d’une accalmie de la tourmente dans laquelle la nation ukrainienne a sombré. Et c’est à Varsovie que la plupart passent pour le trouver.
Devenue un point de transit majeur, l’une des gares routières à l’ouest de la ville, Zachodnia, voit arriver chaque jour des centaines et des centaines de visages livides, marqués par un conflit inattendu et par les pertes de repères que celui-ci a provoquées. Ici, les volontaires polonais montrent leur solidarité à chaque tente dressée. « On leur fournit de la nourriture et on s’occupe de trouver un lieu où ils peuvent dormir une ou deux nuits. Des distributions de vêtements sont également organisées à proximité », indique Julita, bénévole d’une trentaine d’années à l’œuvre au poste de soins. Une file d’attente commence à se former le long de la tente de restauration et les fournitures hygiéniques de base sont distribuées aux familles. « Certains se font récupérer à la frontière par des Polonais qui les ramènent ici afin qu’ils soient en mesure de repartir dans les lieux d’accueils dédiés », observe-t-elle.
Une solidarité importante mise en œuvre par les Varsoviens
Car c’est là le point le plus important : la mise en place de ce hub migratoire de la gare routière provient d’un élan spontané des Varsoviens eux-mêmes, sans aide de l’État ou de la Ville. « Tout ce qui est fait ici a été fait par les citoyens de la ville, on s’est réuni de nous-mêmes pour venir en aide aux réfugiés. », affirme Stanislas Adewvnyl, un Polonais d’une vingtaine d’années présent sur le site depuis le début du conflit. L’abri servant de point de restauration a été fourni par des habitants, qui assurent la mise en œuvre des opérations à toute heure de la journée. « Les bus peuvent arriver à n’importe quelle heure et il faut toujours quelqu’un pour les guider », poursuit le jeune homme. « Certains cars arrivent directement d’Ukraine, d’autres viennent de compagnies polonaises qui vont jusqu’à la frontière. Mais il y a également beaucoup de bus qui partent en direction les grandes villes européennes pour répartir les réfugiés. Les personnes arrivantes peuvent échanger leur devise en zloty, la monnaie polonaise, afin de s’acheter un ticket de bus. » Quelques minutes après ces mots, un car en direction de Lyon est annoncé. Bruxelles, Berlin, et d’autres villes sont inscrites sur le tableau des destinations. D’après nos informations, en montrant la carte d’identité ou le passeport ukrainien, soit le prix du billet sera réduit, soit il sera gratuit.
Dans le hall principal, les banquettes sont occupées par les familles. Les femmes, enfants et personnes âgées attendent leur départ, la plupart depuis plusieurs heures, certains depuis quelques jours. Quelques-uns s’assoupissent et ferment les yeux pour un instant. On retrouve également sur le site plusieurs stands d’opérateurs téléphoniques fournissant des cartes sim gratuites de quelques gigaoctets afin de pouvoir contacter leurs proches. « Cela leur permet d’avoir un accès à internet également. On a vu passer de 400 à 600 réfugiés », explique Nelson Psouza, l’un des responsables de l’emplacement de Lyca mobile. Les nouveaux arrivants se succèdent pour prendre des nouvelles de leur famille.
Des espaces d’accueils et d’hébergements soutenus par les autorités
Mais où se loger lorsque les bus ne suffisent plus à désengorger la gare ou lorsque la recherche de lieux sûrs vers l’Ouest est trop longue ? C’est là que les autorités prennent le relai de l’initiative des bénévoles de la gare routière. Des espaces d’accueil ont été mis en place par la Voïvodie (division administrative du pays, comparable à une région) et par la municipalité, en compagnie des citoyens. À la Hall Torwar, juxtaposant le stade de Hockey de Varsovie, un centre d’hébergement temporaire a pris place. 500 lits sont mis à disposition des réfugiés et des espaces d’aides permettent une meilleure prise en charge.
De l’accompagnement psychologique à des assistances administratives sur les prochaines étapes, ici aussi les bénévoles sont à la manœuvre. Certains sont très jeunes, comme Ewa, lycéenne, qui, au moment où elle nous parle, est en train de sécher ses cours au lycée pour aider à gérer le flux de personnes. Une cantine, des stocks de provisions et un jardin d’enfant complètent le tableau de ce centre, dont l’entrée est gardée par l’armée polonaise, filtrant l’accès au compte-goutte, provoquant quelques tensions en raison de l’impatience des réfugiés fatigués. Les places n’étant disponibles qu’une nuit ou deux, l’accueil chaleureux dont peuvent profiter les Ukrainiens ne peut leur faire oublier que la route n’est pas finie.