L’augmentation de la LKW Maut en Allemagne a engendré une hausse du trafic de poids lourds sur les routes alsaciennes. Face à cette situation, la collectivité européenne d’Alsace (CeA) a voté lundi 21 octobre une taxe poids-lourds, le R-pass. Une décision qui révolte notamment les transporteurs alsaciens qui se disent « entendus mais pas écoutés ».
La Collectivité européenne d’Alsace a voté à l’unanimité la mise en œuvre de cette taxe lundi 21 octobre. Le R-Pass pourrait rapporter 64 millions d’euros par an en étant fixé à 15 centimes par kilomètre, un montant susceptible d’augmenter. Sa mise en place est prévue d’ici 2027.
Une décision politique qui déçoit les transporteurs locaux qui s’étaient mobilisés contre cette taxe. D’après Marie Frick, membre du bureau de la Fédération Nationale des Transports Routiers (FNTR), la taxe allemande n’a fait qu’augmenter au fur et à mesure des années. “Même en mettant cette taxe à 15 centimes, elle est à 34 centimes en Allemagne. Il n’y a pas besoin d’avoir fait des maths pour savoir qu’à 15 centimes c’est toujours plus avantageux de passer en Alsace », précise cette dernière.
Les transporteurs alsaciens déplorent l’absence de mesures concrètes et d’un plan de secours de la part des autorités pour le secteur. La nouvelle taxe concerne l’ensemble des poids lourds, entreprises locales incluses, la loi européenne n’autorisant pas à faire de distinctions. Sandrine Mougel, directrice régionale de Fraikin, se dit inquiète face à cette instauration. “La taxe peut avoir une incidence assez forte sur la clientèle notamment”, précise-t-elle.
Le transit dans le viseur de la CEA
Le trafic de transit, les routiers qui traversent une région mais dont les points d’arrivée et de départ sont hors de celle-ci, représente 51% du trafic de camions dans la région. L’instauration de cette nouvelle taxe poids-lourds, exacerbée par la hausse des coûts de transport, suscite de vives inquiétudes parmi les acteurs du secteur. La FNTR en Alsace dénonce une « menace mortelle pour la profession ». Pour la fédération, l’idée que les transporteurs puissent répercuter 90% de ces coûts sur leurs clients est une « pure fiction ». Selon l’Observatoire Régional des Transports et de la Logistique (ORTL), 85% du transport routier de marchandises desservent l’économie locale. L’Alsace pourrait ainsi devenir la principale contributrice de cette taxe, avec une congestion routière potentiellement inchangée d’après la FNTR.
Frédéric Bierry, le président de la CeA, a expliqué qu’il « n’avait pas le choix » et qu’il « faut mettre cette taxe en place ». Or, pour les détracteurs de la taxe, l’étude qui a été réalisée est biaisée. « Ils ont relevé le nombre de plaques étrangères de camion sur un temps donné mais ils n’ont pas fait la différence entre les camions étrangers qui viennent charger et décharger en Alsace et ceux qui ne font que transiter », selon Marie Frick, membre de la fédération.
Un retour en 2013 ?
Dix ans après l’abandon controversé de la première écotaxe, l’Alsace se prépare à cette nouvelle expérimentation. Le projet initial, mis en place sous la Grenelle de l’environnement en 2007, visait à faire contribuer les transporteurs routiers à l’entretien des infrastructures par le biais d’une taxe sur les poids lourds de plus de 3,5 tonnes. Son introduction en 2009 avait suscité une vive opposition, notamment en Bretagne, où des manifestations massives de transporteurs, arborant le symbole du « bonnet rouge », avaient éclaté.
Malgré le déploiement de 15 portiques équipés de caméras et de systèmes de détection en Alsace, destinés à facturer les poids lourds selon les kilomètres parcourus, la contestation avait conduit à la suspension de la taxe. Dix ans plus tard, la CeA relance l’expérimentation de cette taxe, marquant une nouvelle étape dans la gestion des transports alsaciens.
Crédit photo : Anaïs Follenius
Anaïs Follenius