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L’affaire GameStop, ou comment Wall Street a tremblé face à de nouveaux loups

C’est l’affaire de ces dernières semaines. Une histoire folle où des jeunes « boursicoteurs » ont mis à mal la bourse américaine et ont fait perdre des milliards de dollars à des investisseurs uniquement en soutenant leur distributeur de jeux vidéo favori, GameStop. Retour sur le phénomène. 

Et si David avait remporté une autre bataille contre Goliath ? Ces derniers jours, c’est en tout cas le sentiment qui règne dans le monde de la finance. Appelés boursicoteurs ou petits porteurs, un groupe de jeunes investisseurs, rassemblés sur le réseau social américain Reddit, a réussi un double exploit : multiplier par 15 le prix de l’action de l’entreprise GameStop, magasin de distributeur de jeux vidéos (qui détient Micromania en France) et bouleverser la bourse la plus influente du monde en faisant perdre plusieurs milliards de dollars à des investisseurs en quelques jours. Pour tout comprendre, il faut remonter un petit peu dans le temps. 

Gamestop voué à s’effondrer 

Tout commence en 2020. L’entreprise GameStop vient de perdre plus d’un milliard de dollars depuis 2018. Un chiffre logique puisque les joueurs se dirigent vers de nouvelles plateformes en ligne pour acheter leurs jeux et se rendent de moins en moins dans les boutiques spécialisées. Et en temps de pandémie, rien ne semble pouvoir arranger les choses. 

La société américaine est cotée en bourse dans le fameux New York Stock Exchange (NYSE), plus communément appelé Wall Street. Il s’agit tout simplement de la plus grande des bourses mondiales. Au 5 février 2020, l’action de GameStop est à 4,18$. Un prix très faible qui traduit un manque d’intérêt de la part des investisseurs. Tous les voyants sont au rouge. L’effondrement semble donc inévitable. 

« Shorting » ou parier contre une entreprise

Partant de ce constat, un certain nombre d’investisseurs décide de parier sur une baisse du prix de l’action de GameStop. Ils décident de créer un fond d’investissement (« hedge fund ») qui permet de réunir ses forces pour frapper plus fort et engranger plus de bénéfices en cas de réussite. Si habituellement, on achète une action dans le but de la revendre plus chère, l’inverse peut également se faire en utilisant une technique appelée « Vente à découvert » ou « Shorting » en anglais. 

Le principe est relativement simple*. Il suffit de se faire prêter une action de GameStop quelques jours en échange de frais de locations. Une fois prêtée, l’action est immédiatement revendue par les investisseurs. Ces derniers attendent que le prix de l’action baisse pour en racheter une. Si tout se passe bien, il empoche la différence entre le prix de départ et le prix d’arrivée. Plus il y a d’actions louées, plus les bénéfices engrangés sont conséquents. Mais dans l’affaire GameStop, tout ne s’est pas déroulé comme prévu. 

Un pour tous et tous pour GameStop 

Malheureusement pour eux et heureusement pour GameStop, un groupe de jeunes « traders » du réseau social Reddit décide de soutenir la firme historique outre-Atlantique. Pour sauver une enseigne ayant marqué leur jeunesse ou simplement par conviction qu’ils puissent en tirer des bénéfices à long terme, ces boursicoteurs s’arrangent et décident d’acheter en masse des actions. 

Le forum « Wallstreetbets » déjoue alors les plans de ceux qui avaient parié contre sa perte. Ils sont tellement nombreux à se procurer des actions que ces dernières commencent à augmenter. 

Panique et spéculation, le cocktail explosif 

L’étincelle qui démarre le feu. Voyant le cours de l’action grimper, tous ceux qui avaient parié sur la perte commencent à paniquer. Et pour éviter de perdre de l’argent, la seule chose à faire est d’acheter une action instantanément pour la rendre et ainsi limiter les pertes. Ce phénomène est appelé « Short squeeze ». 

Et c’est ainsi que le feu prend de plus en plus d’ampleur. Désormais, les deux groupes, les boursicoteurs et les investisseurs, cherchent à acheter des actions ce qui fait logiquement augmenter les prix. L’action prend de la valeur et attire cette fois-ci, en plus des acteurs initiaux, ceux qui souhaitent faire un bénéfice en misant sur une hausse. Tout le monde s’arrache les actions de GameStop. 

Toujours plus de demande et encore moins d’offres, les prix flambent et le phénomène enflamme également la toile. Un tweet d’Elon Musk, le PDG de Space X et Tesla, ou encore de Logan Paul, un « youtubeur » très connu aux États-Unis, ne font qu’accélérer la dynamique. Le mercredi 27 janvier, une action de GameStop vaut 347,51$. L’entreprise vaut donc 23 milliards de dollars à ce moment précis. 

Vente interdite et fiction 

Des chiffres extraordinaires qui ont poussé certaines plateformes d’échanges à bloquer l’achat d’action de GameStop. Et notamment l’application américaine Robinhood, lieu préféré des boursicoteurs, qui en constatant l’effet sur Wall Street, a bloqué les échanges sur l’entreprise. Une décision controversée jugée par beaucoup de traders en herbe. « Quand on perd de l’argent, on laisse faire, mais quand c’est les banques d’investissement qui en perdent, on nous bloque », peut-on lire sur les réseaux sociaux.  

Si au moment d’écrire ces lignes l’action de GameStop a bien diminué (65$ le 5 février à 00:33), il ne reste que beaucoup d’argent a été gagné et perdu dans cette affaire qui marquera à jamais la bourse et le monde de la finance mondial. Celle d’un groupe de jeunes mettant à mal tout un système. Un épisode marquant qui se voit déjà le sujet de trois futures adaptations sur les petits et grands écrans. 


*un exemple plus détaillé en disponible plus bas

Un exemple de « Shorting » 

Monsieur Michu dispose d’un timbre d’une valeur de 10 euros qui fluctue selon le marché. 

Arthur souhaite faire du « Shorting ». Il va donc à la rencontre de Monsieur Michu et lui propose qu’il lui prête le timbre et qu’il lui rendra quelques jours plus tard avec des frais de locations de 1 euro. Arthur doit donc un timbre + 1 euro à Monsieur Michu. 

Arthur vend rapidement le timbre contre 9 euros. S’il peut désormais rembourser les frais de location, il doit cependant retrouver un timbre. 

Si Arthur a revendu rapidement le timbre, c’est parce qu’il mise et espère que le prix de ce timbre va diminuer. 

Après une semaine, le prix du timbre est à 2 euros. Arthur en achète un et le redonne à Monsieur Michu en y ajoutant les frais de location de 1 euro. 

Si on fait le calcul, Arthur a gagné 6 euros dans cette opération. (Vente 9 euros – nouveau prix du timbre 2 euros et 1 euro de location = 6 euros). 

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