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« Prenez garde : la colère des femmes gronde »

En 2019, 149 femmes sont décédées sous les coups de leur conjoint en France selon le collectif « Féminicides par compagnon ou ex ». Un chiffre glaçant qui révolte ceux qui luttent pour la cause féminine. Beaucoup ont décidé de se dresser contre cette hausse constante de violences sexistes : 2019 aura connu une mobilisation sans précédent autour de ce sujet, et 2020 semble prendre le même chemin. 

« Papa a tué maman », « elle le quitte, il la tue » ou encore « l’amour ne fait pas de bleus », ces slogans, affichés sur les murs de Strasbourg ne manquent pas de se faire remarquer. Ces messages chocs sont l’oeuvre de militantes contre les violences sexistes et conjugales. En recouvrant les façades de la ville de phrases poignantes, elles souhaitent ouvrir les yeux du monde sur la condition des femmes. Le groupe de « colleuses » strasbourgeoises compte aujourd’hui près de 70 membres, qui s’unissent à la tombée de la nuit pour revêtir les murs de messages féministes. Mais dans quel but ? Selon Eve, créatrice de la page Instagram des colleuses et membre actif, « l’objectif est de se réapproprier l’espace public. Nous voulons dénoncer les violences sexistes qui existent dans notre société, le manque de mobilisation du gouvernement pour faire changer les choses, et montrer aux victimes qu’elles ne sont pas seules et que nous les croyons ». Ce qu’elles veulent, c’est donner de la visibilité aux femmes victimes de violences conjugales, et stopper le tabou qui s’est formé autour du sujet. Ce mouvement pacifique vient alors révolutionner la lutte pour cette cause, tout en offrant une meilleure image au féminisme. 

Sur les réseaux sociaux, cette nouvelle forme de militantisme regroupe de nombreux adeptes. Aujourd’hui, le compte Instagram des « colleuses » de Strasbourg rassemble pas moins de 1620 abonnés, et chaque photo récolte près de 200 « j’aime ». Artistique et choc, le concept plait et s’étend dans plusieurs villes du territoire. Dans les rues aussi, les collages suscitent de nombreuses réactions : près des différentes façades arborant ces messages, il est fréquent de trouver des passants curieux qui photographient les affiches. Selon Magalie, photographe amateur rencontrée sur les lieux, ces affiches s’apparentent à une nouvelle forme d’art engagé. D’après elle, « C’est inspirant. Vous pouvez vous promener et tomber sur un message qui n’était pas là la veille. Il y a un côté éphémère, car quand une affiche est collée, elle ne reste généralement pas longtemps. À chaque fois que je tombe sur un collage, je me sens obligée de prendre une photo, car le message est toujours très fort ». 

La page Instagram des « colleuses » regroupe tous messages collés sur les murs strasbourgeois.

Des sessions de partage et d’humanité

Pour ces femmes, ces sessions de collages sont un réel moment de plaisir et de partage. Armées de colle et de papiers, elles déambulent dans Strasbourg à la recherche du lieu idéal. Dans la nuit, ces militantes se rejoignent à un point de rendez-vous, déjà équipées de leurs affiches. Les messages sont des slogans poignants, choisis minutieusement par la colleuse et destinés à marquer l’esprit des passants. Pour ne pas avoir d’ennuis et ne pas dégrader les murs, les messages ne sont pas tagués directement sur la façade : il suffit donc de décoller les feuilles pour les effacer. Car en effet, coller d’aussi grosses affiches sans autorisation sur un mur de la ville n’est pas autorisé : lors de sessions, certaines sont controlées, et d’autres doivent retirer leur collage, sous la demande des forces de l’ordre. Pour leurs actes militants, ces femmes risquent une amende, une sanction qu’elles estiment injuste. Elles n’hésitent d’ailleurs pas à le faire entendre, en affichant des messages tels que « des césars pour les violeurs, des amendes pour les colleuses » ou encore « police complice ». 

Doriane L’HUILLIER