Un article de Théo Berthet, édité par Sailesh Gya.
La société américaine SpaceX, propriété de l’extravagant milliardaire Elon Musk, continue la mise en place de Starlink (le lien des étoiles). Un projet qui représente un danger pour l’observation astronomique, aussi bien pour les chercheurs que pour les amateurs d’étoiles.
D’ici quelques années à peine, de nouvelles étoiles seront observables. Ce seront des satellites de télécommunication placés en orbite autour de la terre pour permettre un accès à internet plus performant et accessible aux quatre coins du globe. Parmi la dizaine de projets de « constellation de satellites » à l’étude, Starlink de la firme américaine SpaceX provoque l’inquiétude des astronomes.
Le milliardaire américain Elon Musk prévoit en effet le lancement de 12 000 satellites à l’horizon 2025. Un nombre qui pourrait être augmenté jusqu’à atteindre 42 000 les années suivantes. Pour atteindre de tels chiffres, des vagues de 60 satellites lancés simultanément sont mises en place à intervalles réguliers, le dernier datant du 12 juin et le prochain prévu pour le 24 juin. Si la taille, environ celle d’un réfrigérateur, et le poids, 260 kilos, peuvent sembler dérisoire, la pollution lumineuse induite par ces engins spatiaux n’est pas négligeable.
Les lancements, visibles sans appareil d’observation, ont donné lieu à plusieurs témoignages, notamment en Alsace. « Au début du confinement, sur ma terrasse, j’ai vu à l’œil nu passer 30 satellites. C’était aussi lumineux que des étoiles. », raconte Philippe Simon, membre du club d’astronomie de Aspach, dans le Haut-Rhin, et « observateur contemplatif des étoiles », comme il se définit lui-même. Selon le bureau des affaires spatiales de l’ONU, l’espace autour de la terre compterait environ 5000 satellites, dont 2500 seraient encore actifs. Un nombre qui se verrait multiplier par 10, rien qu’avec le projet Starlink. « Auparavant, quand je regardais une galaxie, il arrivait qu’il y ait un point dans mon champ de vision. Mais là, quand j’entends le nombre de 12000 nouveaux satellites, je suis effrayé. », explique-t-il, navré par la situation.
L’observation à but scientifique sera elle aussi impactée par le projet. Pour avoir une image précise d’un objet lointain, il faut réaliser une prise de vue qui parfois peut durer plusieurs heures. « On voit quelques dizaines de points lumineux qui se déplacent très vite, et si ça passe dans le champ d’observation d’un grand télescope, les observations sont fichues. », déplore Sébastien Derriere, astronome à l’Observatoire astronomique de Strasbourg. Il fait partie des 2000 spécialistes de l’espace qui ont signé la pétition « Safeguarding the Astronomical Sky » (Sauvegarde du ciel astronomique). Un manifeste qui alerte sur l’avenir de l’astronomie mondiale et qui critique la décision unilatérale de l’agence américaine Federal Communications Commission (FCC), qui avait autorisé la société SpaceX à opérer ces lancements. « Ce n’est pas une décision acceptée par tout le monde, c’est un petit nombre de personnes qui l’impose au monde entier. », regrette-t-il, avant d’ajouter : « Regarder le ciel, c’est quelque chose que tout le monde devrait pouvoir faire librement. »