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Quand le plastique s'immisce dans la chaîne alimentaire

A bas le plastique. C’est le nouveau mot d’ordre de certaines ONG environnementales. Il faut dire que le plastique est partout. Même dans nos organismes, selon des études récentes. La Commission européenne s’est emparée du débat, redoutant un nouveau scandale sanitaire.

Le septième continent ? Un amas de 1,6 million de km² de plastique qui dérive à la surface des océans. Non seulement il vient polluer les mers, mais il est aussi mangé par les poissons. Poissons que l’Homme pêche et consomme. Résultat : les plastiques se retrouvent dans nos organismes et sont un nouvel élément dans la chaîne alimentaire. « Le plastique se dégrade en microparticules de plastique, appelées les microplastiques, mais il ne disparaît pas : il reste là où il s’est immiscé », précise Lars Mortensen, spécialiste du plastique à l’Agence européenne pour l’environnement (AEE). Ces « microplastiques » sont des petites particules de plastique, d’une taille inférieure à 5 millimètres. « Si un poisson en avale, on pourra le retrouver chez son consommateur, s’il y a du plastique dans un cosmétique, on pourra en retrouver sur la peau… ».

Prise de conscience

Il est vrai que le plastique est partout. Cette matière à base de pétrole raffiné est si malléable qu’elle est utilisée dans tous les domaines. En Europe, selon les chiffres de l’association PlasticEurope, il y avait 49 millions de tonnes en circulation en 2015. Il emballe les aliments, sert à la carrosserie des voitures, se retrouve dans nos portables… Les ONG environnementales ont notamment peu à peu remis en cause ce monopole du plastique. Mais c’est véritablement depuis les scandales sur le Bisphénol A (BPA) et le DEHP en 2008 qu’il y a une prise de conscience sur les problèmes liés au plastique. On utilise ces deux composés organiques pour la fabrication du plastique, notamment des biberons.

Une matière qui se retrouve jusque dans nos corps

Une étude de l’Agence autrichienne pour l’environnement et de l’Université médicale de Vienne publiée en octobre 2018 a mis en évidence la présence de cette poussière de plastique dans les selles de huit personnes. Recrutées d’Europe au Japon en passant par la Sibérie, elles ont noté pendant une semaine ce qu’elles mangeaient dans une sorte de « journal de bord alimentaire ». Notamment des aliments emballés dans du plastique, de l’eau en bouteille plastique etc.

« Les résultats ont montré une présence de microplastiques dans les selles de ces personnes », témoigne Bettina Liebmann, chercheuse à l’Agence autrichienne pour l’environnement. Sur une quantité de 10 grammes de selles humaines, les chercheurs ont trouvé 20 microparticules de plastique. 95% des particules détectées sont issues des plastiques présents dans les barquettes, les sacs et les bouteilles. « Cette étude est l’une des premières en la matière. Bien qu’elle ne puisse pas permettre d’en tirer une vérité absolue, elle constitue un point de départ et confirme l’hypothèse que le plastique peut se retrouver dans nos corps. Nous souhaitons coopérer avec d’autres instituts pour pouvoir faire des études de plus grande ampleur. »

Perturbateurs endocriniens

Cette première piste pose de nouvelles questions. Notre appareil gastrique le rejette-t-il entièrement ? « Cela est déjà bon signe de voir que le corps rejette ces substances, puisqu’on en retrouve dans les selles, mais il est fort possible que toutes les particules n’aient pas été évacuées », ajoute Bettina Liebmann. Avec tous les risques sanitaires que cela peut présenter. Les études à ce sujet sont encore peu nombreuses. Mais les hypothèses sont multiples : perturbateurs endocriniens, risques pour les bébés. Dans les cas plus spécifiques du BPA et du DEHP, certaines études ont montré des risques pour le système de reproduction et les diabétiques. Le DEHP peut en effet entraîner une résistance à l’insuline, s’il venait à pénétrer dans le corps humain.

Quelques plastiques interdits

En écho à ces différents travaux scientifiques, les gouvernements ont commencé à prendre des mesures. Aux Pays-Bas, les autorités ont été précurseuses. Dès 2008, ils ont initié les débats, mais c’est vraiment en 2012 que la première motion a été adoptée. Selon celle-ci, le gouvernement se doit de demander aux industriels de bannir les microplastiques de leurs cosmétiques. Les Pays-Bas ont également consultée l’Union européenne pour lancer une discussion. En 2016, le Danemark décide d’y prendre part. Et en décembre 2018, le Parlement a validé une loi évoquant dix produits en plastique, responsables de plus de 70% des déchets dans les océans. Certains seront interdits : il s’agit notamment des pailles, des couverts et des cotons-tiges. Cette loi a été approuvée, mais sa mise en application pourrait se heurter à l’opposition des lobbys industriels.

Mais si l’Europe légifère de son côté, qu’en sera-t-il des autres pays, autrement plus polluants et émetteurs de déchets ? Selon Lars Mortensen, même si l’Europe en tant qu’entité rassemblant plusieurs états peut agir, « ce problème ne peut être résolu seulement par l’UE. C’est une question internationale, qui doit donc avoir une solution internationale. Et cela prendra des années. » Il n’y a pour le moment que très peu de concertations au niveau international sur le plastique, même si l’ONU a lancé des appels pour amener les pays à discuter.
La question rejoint les enjeux environnementaux plus globaux et questionnent les pays européens sur leurs pratiques d’envoi de déchets à l’étranger.

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