L’exploration urbaine, ou l’urbex, est en plein essor, notamment grâce à la photographie et la vidéo. Les lieux abandonnés fascinent : figés dans le temps, envahis par une nature qui reprend progressivement ses droits, parfois taggués et dégradés, parfois témoin d’une époque. Nous sommes allées sur l’un d’eux en Alsace.
A première vue, l’hôtel devant lequel nous nous sommes arrêtées ne semble pas abandonné. A sa gauche, il y a quelques maisons habitées. Nous vérifions que personne ne nous voit et traversons une route peu passante. Le soleil a commencé à émerger de derrière les nuages. Le premier indice que ce spot est bien un lieu d’urban exploration, ou urbex, est le jardin, laissé à l’abandon. Cela fait déjà quelques années qu’une main n’a pas ramassé les feuilles mortes ou taillé les arbres. Il est impossible de savoir de quand date la dernière visite. Tout semble en place, comme au lendemain du départ définitif de ses propriétaires.
Cet hôtel, en plein cœur d’une forêt, a été fermé en 2013. Légalement, il est interdit d’entrer dans ce lieu, qui appartient probablement encore à la famille des hôteliers. Nous sommes en pleine journée, nous devons donc faire attention à ne pas être vues lorsque nous traversons la rue et grimpons la légère côte jusqu’à l’entrée. Braver l’interdit, rester aux aguets font de l’urbex un hobby particulièrement apprécié. Les « urbexers », ainsi qu’on appelle ces explorateurs de lieux abandonnés, aiment ressentir l’adrénaline qui accompagne chaque exploration. Motivés par la découverte d’un lieu à l’aspect vierge – les urbexers tiennent à laisser l’endroit tel quel et ne font que s’y promener, donc laissent peu de traces –, ils s’imaginent, en parcourant les salles vides la vie qui a pu, jadis, les animer.
Une végétation abondante cache la porte sur le côté par laquelle nous entrons. Elle est entrouverte. Cela date-t-il de 2013, ou est-ce le fait d’un ancien urbexer ? Les pièces sont vides, sales, dans les coins, des toiles d’araignées et sur le sol, des coccinelles mortes. Les fils électriques sont à nu, quelques meubles traînent encore. Par endroits, les larges fenêtres permettent d’y voir clair, mais pour les pièces intérieures, nous devons utiliser nos portables pour y voir quelque chose. Comme pour découvrir les congélateurs ouverts, ou ces multiples coffres-forts. Se déplacer dans cet endroit délaissé à la seule lumière blafarde des téléphones donne l’impression que nous sommes des historiennes ou enquêtrices à la recherche de l’indice pour comprendre ce qu’il s’est passé.
Parfois, nous regrettons que les anciens propriétaires n’aient pas abandonné l’endroit du jour au lendemain. Il y resterait les tables du petit-déjeuner mises, les tasses et les couverts devenus poussiéreux, les morceaux de pain et la confiture moisis. Cela aurait été un témoin encore plus intéressant d’une époque aujourd’hui révolue.
Ce qui reste de notre expédition sont nos photos. Les règles pour l’urbex sont simples : ne pas être vu, essayer de laisser au maximum le lieu en place, vierge, pour le plaisir des urbexers suivants et ne rien voler. Et surtout, transmettre le lieu de bouche à oreille. Avec une impression d’être entrées dans un lieu où le temps s’est arrêté, nous repartons. Retrouver les villages d’Alsace pleins de vie puis l’autoroute nous paraît bien étrange.