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BREXIT : le Royaume-Uni paralysé depuis trois ans

Le jeudi 23 juin 2016, le verdict tombe. Après plusieurs mois de campagne rythmés par des débats animés entre le camp du Remain et celui du Leave, le Royaume-Uni décide de quitter l’Union européenne. En ballotage défavorable dans les sondages, les pro-Brexit, emmenés par Boris Johnson sont finalement parvenus à créer la surprise.

Le parlement au ralenti 

Trois années ont passé durant lesquelles le Brexit n’a cessé d’occuper les sessions du Parlement britannique. Sur les 46 projets de lois déposés depuis 2017, seuls 17 d’entre eux n’étaient pas consacrés à la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Un chiffre révélateur de la situation politique britannique, qui vit depuis trois ans au ralenti. « Le Brexit prend énormément de place, on a l’impression qu’il conditionne tout le reste de la vie politique », explique Thibaud Horrias, maître de conférences en civilisation britannique à la Sorbonne. « Les conservateurs arrivés au pouvoir en 2010 avaient annoncé la fin de l’austérité. Ça n’a rien donné car il y a beaucoup de réformes liées au sort du Brexit et qui étaient donc difficiles à engager avant la sortie officielle de l’Union européenne. » Symbole de ces réformes majeures qui n’ont toujours pas vu le jour : le chantier de la sécurité sociale. 2

Le système de santé au bord du gouffre 

Fondé en 1948, le National Health Service (NHS) est plus que jamais au bord du gouffre. Alors que le nombre de demandes augmente de manière considérable, le budget de l’État consacré au NHS stagne depuis désormais sept ans. 

Une situation délicate, à tel point que le service avait annoncé en 2018 devoir reporter au moins 55 000 opérations chirurgicales dites « non urgentes ». Pourtant annoncée comme l’une des priorités du Parlement, la réforme a finalement été repoussée, faute de temps. « Le Parlement fonctionne au ralenti et tout est monopolisé par le Brexit. Le système NHS est un projet très important mais qui n’avance pas depuis le référendum. C’est grave car c’est quelque chose qui doit être réformé en profondeur et qui est en grande difficulté », insiste Sarah Pickard, écrivain et spécialiste de la civilisation britannique. L’inaction du gouvernement a irrité le peuple britannique, très attaché au NHS. « Le système de santé est le symbole de l’État providence, les gens y sont encore aujourd’hui très attachés et ce, quelque soit l’opinion politique. Il y a beau- coup d’attentes par rapport à ça et le fait que le gouvernement n’agisse pas, crée une grande frustration chez les citoyens britanniques », analyse Thibaud Horrias. 


La lassitude du peuple britannique 

Outre le chantier de la santé, plusieurs grands axes de travaux ont également été mis de côté. Parmi eux, deux grands thèmes chers aux Britanniques : l’immigration et l’environnement. Autre réforme qui a vu son agenda bouleversé, la mesure grandement attendue concernant l’accès aux aides sociales. Une proposition de loi du gouverne- ment conservateur, elle aussi repoussée par l’exécutif. Ces chantiers importants qui n’ont pourtant toujours pas été traités par le Parlement exaspèrent la population britannique qui vit jour et nuit à l’heure du Brexit. « Vous imaginez le temps que le Brexit monopolise ? Les gens en ont marre de l’incapacité des hommes et femmes politiques à gérer la sortie de l’UE mais aussi de la lenteur de celle-ci. La popularité des dirigeants politiques est plus que jamais en chute libre », regrette Sarah Pickard. Le sondage publié par un institut européen est équivoque : 60 % des Britanniques consultés se reconnaissent dans la formulation suivante : « Je ne m’intéresse plus à la question de savoir comment et quand nous quitterons l’Union. Je veux juste que ce soit réglé une fois pour toutes. » « C’est ce que beaucoup de spécialistes ont appelé la « Brexit fatigue« . Les Britanniques sont lassés d’entendre parler du Brexit en permanence. Avant le référendum, l’Union européenne n’était pas un sujet important, qui ne passionnait pas vraiment le peuple. Depuis le vote, c’est devenu le sujet de discussion principal dans la presse mais aussi dans les conversations privées », observe quant à lui Thibaud Horrias. La méfiance envers les
hommes politiques grandit de jour en jour. « Il faut déjà constater que la classe politique actuelle est assez médiocre. Elle était déjà décriée avant le Brexit mais l’hostilité s’est renforcée par la suite. La population manque de respect pour ces gens qui ne sont pas capables de gérer la situation de crise et qui mettent leurs intérêts personnels devant l’intérêt général », poursuit l’universitaire

Une absence de majorité 

S’il monopolise les débats et les projets de loi au Parlement britannique, le Brexit divise également les partis politiques. Theresa May n’a pas la majorité, ce qui rend plus difficile l’action du gouvernement. Mais cette complexité s’ajoute aussi aux divisions dans son propre clan, entre les hard brexiterset ceux qui veulent une sortie douce de l’Union européenne, explique Sarah Pickard. Des dissensions qui ont contraint May à changer ses plans. « À cause du Brexit, elle n’a pas pu accomplir ce qu’elle voulait. Ce qu’elle annonçait au début de sa nomination était pourtant prometteur notamment au niveau de la justice et du social», poursuit l’écrivain. Des parlementaires au chômage technique ? C’est un peu l’idée avancée par les observateurs de la vie politique. Une longue période d’inaction qui ne sera pas sans conséquences pour l’avenir du Royaume-Uni. Quant au peuple en lui-même, il est pressé de tourner cette page de son histoire. « On a l’habitude d’être fiers d’être britanniques mais là, quand on a vu notamment la violence sur les réseaux sociaux entre les pro et anti Brexit, il n’y avait pas vraiment de quoi être fier » conclut Sarah Pickard. 

Nicolas Laurent

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