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Inquiétude autour du patrimoine religieux

Le patrimoine français est vaste, il s’étend de la culture cinématographique à la musique, la littérature en passant par les réserves naturelles et bien évidemment ses édifices religieux. Ces derniers sont actuellement protégés par plusieurs associations qui tirent la sonnette d’alarme quant à la préservation de ces joyaux d’architecture, en proie à la détérioration.

« Les mentalités changeront, il faut faire sauter les verrous, les normes. En dehors de l’aspect cultuel, il doit y avoir un respect pour les architectes et les artistes. Il faut donner aux églises le moyen d’exister. » explique Benoît Jordan, Conservateur en chef du patrimoine des Archives de Strasbourg. Pour lui, tout n’est qu’une question de volonté politique. Les terres alsaciennes tentent de maintenir leur patrimoine religieux en bon état. Du côté des églises, seules une ou deux sont en ruines sur le territoire. Pour les synagogues, il y en a beaucoup plus mais il y a une prise de conscience qu’il faut sauvegarder ces constructions. « Le patrimoine, c’est la transmission de l’histoire de plusieurs générations » confie-t-il Il donne sa vision du problème avec l’exemple de la synagogue de Westhoffen dans le Bas-Rhin. Aujourd’hui complètement vide, ce lieu de culte fût bâti en 1860 en raison de la forte communauté juive habitant la commune. Entre 1918 et 1920, le taux de chômage ne cesse de grandir obligeant une partie de la communauté à déménager. En 1945, après la guerre, les juifs ont pratiquement déserté le village, peu de familles reviennent s’y installer. Finalement en 1952, la synagogue de Westhoffen donne son dernier office. La guerre est l’une des raisons de la désertification des anciennes synagogues.

Le manque de moyen touche aussi particulièrement les cultes. Benoît Jordan cite l’Église Ste-Odile vendue par les catholiques, les édifices vendus par le Consistoire du Bas Rhin ou bien la Chapelle du Sacré-Cœur d’Amiens transformée en salle de sport à la fin du XXème siècle pour son lycée portant le même nom. L’entretien des anciens lieux de cultes marche quand il y a une volonté d’entretenir. Bien souvent dans le budget d’une commune, l’église du village passe en dernier alors qu’elle représente le centre du village, elle est sa carte d’identité. Une église fermée n’a plus aucune raison d’exister. L’État a donné 150 000 € pour aider à la restauration de 10 000 orgues en Alsace, or c’est à peine assez pour rénover 3 orgues. En Alsace, l’opération « Chemin d’art sacré » s’est déroulée du 4 juin au 1er octobre 2019 par le diocèse de Strasbourg. Des expositions d’arts contemporain ont été réalisées dans des églises de la région. L’association catholique « Les Amis de la synagogue de Thann » créée par Elyane Ferrari se bat pour sauver le patrimoine juif. Elle est la preuve d’une possible solidarité entre différents cultes. Enfin, le site de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) propose des fiches techniques* pour renseigner sur l’entretien et la réhabilitation du patrimoine architectural.

Pourquoi la situation est-elle inquiétante ?

Le patrimoine est lié à une société, il évolue avec elle. La France dénombre 72 800 édifices religieux recensés en 2019. Parmi elles, plus de 5 000 églises sont menacées de délabrement selon un chiffre avancé par l’Observatoire du Patrimoine Religieux. A cela il faut ajouter les édifices non recensés et laissés à l’abandon et dont un état des lieux ne peut donc pas être fait actuellement. La situation est jugée alarmante par de nombreuses associations de conservation du patrimoine. Celles-ci, jugent que l’État ne se préoccupe pas de son patrimoine historique et ne donne pas suffisamment d’argent pour entamer des travaux de rénovations dans certaines régions.

Plusieurs facteurs expliquent l’abandon d’une partie de ce patrimoine architectural : la chute des ressources publiques, la loi de 1905 empêchant l’État de subventionner les cultes (exception faite pour les cathédrales et monuments historiques) et la diminution de la pratique cultuelle voir son inexistence dans les communes les plus reculées. Quand il n’y a plus de culte, il n’y a plus de fonctionnalité. Actuellement, la majorité de l’argent utilisé pour restaurer des églises, des synagogues ou quelconque édifice religieux provient de particuliers (des mécènes) ou d’entreprises. Les communes et les diocèses sont responsables de la conservation des édifices.

Le sentiment général est qu’il y a une perte de la sacralité donc de la volonté de conserver les édifices religieux. Seule exception avec les monuments classés historiques tels que la Cathédrale de Notre-Dame. Cependant, le débat sur la réparation de la flèche de la cathédrale a donné une impression de surmédiatisation et de faux problème parmi les défenseurs du patrimoine. De son côté, la Charte de Venise sur les monuments historiques du 31 mai 1964 stipule qu’ils doivent être reconstruits à l’identique. Une violation d’un traité qui pourrait être reprochée au gouvernement.

Les solutions actuellement mises en place

Diverses actions sont mises en place pour récolter des fonds. La plus populaire sur le territoire national est le Loto du Patrimoine* de l’opération « patrimoine en péril » présenté par Stéphane Bern*. Cette opération est critiquée pour la part que récupère l’État. Elle a tout de même permis de récupérer entre 30 et 50 millions d’euros. Ces revenus ont permis de financer des projets comme l’Église Saint-Étienne de Lacanche, le Fort de l’île Cézon ou l’Église Sainte-Madeleine de Saint-Ilpize. Certaines églises organisent des événements pour récolter des financements comme un escape game pour rénover l’Église Saint Guillaume ou des concerts. Ces organisations de loisirs sont également critiquées au motif qu’une église ne peut pas être une salle polyvalente.

Théo Hervieux

* Fiches pratiques de la DRAC : https://www.culture.gouv.fr/Regions/Drac-Provence-Alpes-Cote-d-Azur/Aides-demarches/Fiches-pratiques-conseil-technique-et-architectural

* Site du loto du patrimoine : https://loto-du-patrimoine.fr

* Lien vers la Mission Stéphane Bern : https://www.missionbern.fr

Crédit photo en Une : Sofiane Ait Ikhlef